La mémoire, la méthode de travail au piano. Chronique d’un professeur de piano N°10
Jouer de mémoire ou avec une partition
Méthode de travail et mémoire sont indispensables à un bon apprentissage
Je viens de parler d’interprétation, d’intelligence musicale. Les termes de talent, de dons, de compétences exceptionnelles, d’excellence, sont aussi employés. L’apport de l’inné et de l’acquis n’est pas encore bien élucidé (le sera-t-il un jour ?). Bernard Lechevalier pense que « Le génie de Mozart est dû à un long apprentissage ayant débuté dans la petite enfance et à un environnement éducatif et affectif favorable. […] Son père lui a transmis un excellent apprentissage de son art, né de ses indéniables capacités pédagogiques et d’une conviction absolue de sa mission vis-à-vis du génie de son fils. […] Mozart a été immergé dans la musique depuis sa toute petite enfance, on peut admettre que son cerveau a été façonné depuis sa vie intra-utérine par son entourage puis par lui même en un cerveau d’expert, devenu un génie dans son art ».
Jouer de mémoire ou avec partition ?
Difficile de faire la part des choses, ce qui est certain, c’est que la méthode de travail et la mémoire sont indispensables à un bon apprentissage. Traditionnellement, le piano se joue par coeur, a priori, cela peut sembler libérateur, on peut vraiment se concentrer sur ce que l’on joue sans « intermédiaire » et, vu la taille du clavier, cela peut permettre de jouer juste ; pourtant, cela présente aussi des inconvénients.
D’abord, cela ne permet pas de jouer des pièces récemment travaillées ou que l’on n’a pas envie d’approfondir tout en souhaitant malgré tout les partager avec un public. Cela peut donc limiter le répertoire.
Perre Sancan disait aussi : « Même si on est sûr de l’infaillibilité de sa mémoire, une partition est une mine de renseignements trop souvent insuffisamment exploitée. ». Cela ne signifie pas qu’il faille toujours jouer avec la partition, mais il faut y revenir régulièrement, même quand on sait le morceau par coeur.
Enfin, le par coeur est source d’angoisse et de trac. Le pianiste Alexandre Tharaud a pris la décision de jouer avec partition suite à des trous de mémoire sur scène, il dit (Télérama) : « Vous ne regardez pas forcément la partition, mais c’est une ceinture de sécurité. […] Avoir le texte donne aussi une position plus humble par rapport au public, vous n’êtes plus une sorte de surhomme qui semble créer de mémoire, une musique qu’il n’a pas composée ». Il n’est pas le seul de la jeune génération à imposer cette idée, je pense que c’est une bonne chose, y compris pour les amateurs.
Question d’époque aussi, tout bêtement. Liszt a été l’un des premiers à donner un récital entier de mémoire. Avant le XIXe siècle, la lecture prévalait sur la mémorisation.
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