La pédale. Chronique d’un professeur de piano N° 8
L’utilisation de la pédale de droite est un sujet très contreversé. Faut-il l’utiliser généreusement ou avec parcimonie ?
Pierre Sancan (revue piano) conseillait de « Faire le plus souvent pédale avec ses doigts par un jeu legatissimo très tenu dans le clavier ou en conservant les harmonies. Eviter la pédale dans les traits descendants ou dans les traits chromatiques ».
Soit, mais elle fait quand même partie intégrante du jeu, on en parle comme de la troisième main du pianiste mais aussi comme cache misère, on peut tout craindre et tout espérer d’elle ! Pour ma part, je reste modeste dans son utilisation avec les élèves mais je l’introduis très tôt (dès les premiers mois).
J’explique son fonctionnement mécanique en ouvrant le piano pour regarder l’intérieur.
Une fois le mécanisme compris, c’est plus facile à intégrer. On distingue trois types d’utilisation : deux mélodiques, une rythmique.
La plus courante est la pédale mélodique beaucoup utilisée dans la musique romantique et impressionniste.
Je la fais d’abord travailler sur des accords en déplacement sans lecture aucune. Je la fais changer à chaque accord. Changer est plus parlant que mettre la pédale puisqu’il faut d’abord l’enlever avant de l’enfoncer et cela à l’envers des doigts : quand les doigts arrivent au fond de la touche, on lève le pied pour couper le son précédent puis on le rappuie pour tenir le nouveau son. C’est donc une difficulté de coordination. La pédale sera intégrée dans le morceau seulement quand le geste sera devenu inconscient. C’est l’affaire de quelques jours si on a bien compris. Mais bon nombre l’élèves n’ont jamais eu d’explication à ce sujet ou se fient à l’écriture peu claire de « Ped * », l’étoile signifiant logiquement pour eux de relever et le « Ped » d’appuyer.
L’écriture avec crochet est plus juste mais pas toujours précise non plus.
Une fois le geste acquis, je donne cette notion fondamentale de changer de pédale au changement d’harmonie (pour ne pas mélanger les harmonies), cela évite déjà bien des déboires et permet une utilisation basique mais juste. Autre notion fondamentale, ne pas se fier aux indications sur la partition, souvent fausses parce qu’ajoutées par les éditeurs (beaucoup plus souvent que par le compositeur).
L’utilisation de la pédale n’est pas unique, sauf dans des styles très précis où le compositeur l’a soigneusement indiquée. Elle est variable selon les interprêtes, elle est fonction du piano, de l’acoustique de la salle… La pédale rythmique est assez simple, elle se met en synchronisant le geste du pied avec celui de la main, parfois juste pour souligner un accord. Elle sert beaucoup dans la musique moderne et contemporaine. Avec les élèves plus avancés, j’introduis la pédale de liaison, autre pédale mélodique. Elle s’enfonce au dernier moment juste pour passer d’une note à la suivante. Elle ne s’entend pas, elle laisse le son pur jusqu’au bout, elle est très utilisée dans Bach, Mozart, Haydn. Puis la pédale vibrée, c’est-à-dire vibrato du pied, et la demi pédale, c’est-à-dire enfonçée seulement à moitié. Elle permet de pas noyer tous les sons. Elle peut remplacer la troisième pédale des pianos à queue qui permet de tenir une basse sans les aigus.
Cela suppose un instrument à la hauteur, les pianos numériques ou les pianos acoutiques bas de gamme limitent les possibilités. L’essentiel étant d’acquérir le bon geste au départ. Je vois encore beaucoup d’élèves se servir de la pédale de façon très anarchique, parce que mal ou pas expliquée au départ, et il faut des mois voire des années pour corriger les mauvaises habitudes qui reviennent souvent avec un peu de trac ou de fatigue. Quel gâchis !
Un petit exercice efficace mais qui surprend toujours consiste à travailler la pédale avec le pied par terre, à côté de la pédale. Il aide à prendre conscience que le pied doit d’abord se relever avant de retomber par terre. Il résout souvent le problème mais doit être répété régulièrement car petit à petit, le pied se décale de nouveau jusqu’à se relever en même temps que la main.
La pédale de gauche « una corda » est surtout intéressante sur des pianos à queue où elle déplace le clavier légèrement à droite permettant de frapper une corde au lieu de trois. Elle permet de changer le timbre, la couleur, alors que celle des pianos droits ne fait qu’éloigner le marteau des cordes donc elle permet seulement de diminuer le son. La maîtrise des différentes pédales demande du temps et une certaine maturité musicale.
Tout comme pour les doigtés, le rôle du professeur sera de guider l’élève petit à petit. Il faut garder en mémoire que le jeu des pédales se pense, se travaille et ne s’utilise pas de façon sauvage ou au dernier moment. Monique Deschaussées dit « Il est donc clair qu’utiliser les pédales dans leur complexité, dans leur pouvoir de création sonore, relève d’une connaissance profonde à acquérir et n’est pas une improvisation de dernière minute plus ou moins réussie. »
Rédactrice : Patricia Cousin. Professeur de piano
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