Les doigtés. Chronique d’un professeur de piano. N°4
Les doigtés dépendent du confort de la main
Les doigtés dépendent du confort de la main
« Tous mes professeurs étaient ouverts d’esprit. Ainsi ils ne vous imposaient pas lorsque que vous exerciez un morceau, un doigté pré-établi. Ils vous enseignaient qu’un doigté dépendait d’abord de la physionomie de l’interprète, de la mouvance de son corps et encore de la salle, de l’acoustique, de l’instrument lui-même, et surtout du confort de la main, avec sa façon si propre, si personnelle d’évoluer au nom de la partition. Ils vous enseignaient la liberté dans un respect vigilant de votre personnalité. » Hélene Grimaud . Peut-on trouver plus bel éloge d’un professeur ou meilleure explication du choix des doigtés ?
Le doigté, quelques principes de base
Bien sûr, il faut nuancer. Avec un débutant il faut installer et imposer quelques principes de base. Le doigté doit permettre de se servir des cinq doigts de façon à peu près équitable. Les premières semaines où le travail se fera sur cinq notes (cinq doigts) permet de mémoriser le clavier par empreintes. D’abord sans déplacement, mais pas toujours sur les cinq même notes, puis, avec déplacement dans le morceau pour éviter le lecture seulement par le doigté. Ensuite, j’introduis le déplacement à l’intérieur du morceau, mais toujours avec toute la main. Ceci permet d’acquérir la stabilité de la main. Puis, j’aborde l’écartement du pouce (une note seulement : pouce-deuxième doigt égale une tierce) avec toujours la notion de regrouper la main dès que possible sur cinq notes puis l’écartement des autres doigts (trois-quatre ; trois-deux). Et enfin le un-cinq, notion d’octave à acquérir sans crispation, le premier réflexe étant d’écarter au maximum en crispant pour l’obtenir.
L’écart quatre-cinq est abordé plus tard et envisagé plutôt comme un mini-déplacement sans chercher à lier pour ne pas déstabiliser la main. Le passage du pouce (après le deux, le trois et plus tard le quatre) est introduit quand tout le reste est bien assimilé et sans rotation de poignet dans un premier temps. Il faut accepter que la liaison ne soit pas parfaite au début et privilégier le geste au son. Il faut bien prendre conscience de la mobilité du pouce en écartant ou en rapprochant (les autres doigts ne doivent pas se serrer quand le pouce se plie).
A ce stade, je doigte en fonction de la phrase, il faut essayer de faire correspondre un déplacement à une respiration. Le choix n’ira pas toujours vers le doigté le plus aisé pour travailler chaque doigt de façon équitable et ne pas utiliser seulement les doigts forts.
Beaucoup plus tardivement, j’introduis les substitutions et les doigtés plus acrobatiques (cinq-quatre ou cinq-trois en montant par exemple) ou le glissé du pouce, sinon, gare au poignet instable. Je suis donc assez directive pendant ces premiers mois, privilégiant le respect du corps à la musicalité, ainsi que l’utilisation de tous les doigts et tout le clavier. Pour garder la stabilité, j’insiste sur le « pousser » vers le couvercle du clavier quand on utilise les un et cinq sur les touches noires, et sur le « tirer »pour revenir sur les touches blanches. Quand tout ceci est bien assimilé j’introduis les notions de rotation du poignet, indispensable dans la tecnhique romantique en particulier.