L’aspect relationnel dans l’enseignement du piano. Chronique d’un professeur de piano. N°14
Le pédagogue doit faire tout son possible pour comprendre psychologiquement son élève
J’envisagerai la relation humaine en général parce qu’elle n’est pas spécifique à la musique bien qu’étant primordiale dans un cours et parfois malmenée dans un apprentissage ou dans la vie courante. Maria Curcio (revue Piano n°13) écrit : « Enseigner réclame beaucoup d’humilité et il importe de ne pas écraser l’élève. Un professeur est comparable à un médecin : il s’agit d’aider l’humain, de le responsabiliser. Le pédagogue doit faire tout son possible pour comprendre psychologiquement l’individu qu’il a face à lui et ne pas s’en tenir à un rapport d’ordre seulement musical. Je crois que cela explique pourquoi une grande famille s’est constituée autour de moi au fil des ans ».
Musique et médecine sont toujours intimement liées et les pratiquer requiert, j’en suis convaincue, les mêmes qualités : des qualités humaines qui ne sont malheureusement pas une priorité dans nos sociétés modernes et civilisées…
Deux auteurs m’ont particulièrement marquée.
- Dominique Hoppenot (pédagogue), dont le livre Le violon intérieur publié en 1982 était vraiment précurseur. Tout y est : méthode de travail, relation humaine, respect du corps, plaisir.
- J’en reprendrai quelques passages et en conseille vivement la lecture à tous les musiciens.
- Thierry Janssen, qui a abandonné son métier de chirurgien pour envisager la médecine autrement. Il est l’auteur de plusieurs livres (Vivre en paix, Le travail d’une vie, La solution intérieure…).
Il prône la nécessité que l’humanité devienne vraiment humaine et mise sur une nouvelle science qu’il baptise « neuro-psycho-immunologie ». Dans Vivre en paix, il écrit : « Il faut apprendre à être gentil avec nous-même […]. Cesser de nous juger, de culpabiliser sans arrêt, écouter qui nous sommes réellement, […] laisser nos talents s’exprimer sans honte. Quand notre profondeur s’exprime, nous proférons des mots de douceur, de conciliation, d’harmonie, c’est de cela que le monde a besoin : de douceur et d’harmonie [….]. Il faut abandonner ses idées toutes faites pour créer plus de tolérance pour nous-même et pour les autres ». En effet, il faut déjà s’aimer soi-même pour avoir de bonnes relations avec les autres, donc, avec les élèves. Il faut se faire confiance pour leur faire confiance.
Il faut aussi s’aimer tel que l’on est. « C’est une illusion de croire que nos performances intellectuelles, sportives ou artistiques ainsi que nos victoires sentimentales, sociales ou professionnelles font de nous des vainqueurs. Aux yeux de l’amour, il n’y a pas de véritable gagnant s’il n’y a ne serait-ce qu’un seul perdant ». L’auteur relate aussi un épisode de trac où il voulait remercier un public ami à la fin d’un congrès. Il fut prit d’une réelle panique qui l’empêcha de parler. Il en conclut : « J’avais peur de montrer qui j’étais à mes amis ».