La Médecine du temps de Mozart. Les maladies. Dossier I
Les grands fléaux du temps de Mozart. La variole
La variole
L’une des plus redoutables maladies contagieuses surgissant en épidémies est la variole, ou « petite vérole » (qualifiée de « petite » pour la distinguer de la « grosse vérole », ou syphilis, apparue au XVIe siècle en Europe). Connue depuis l’antiquité, c’est au XVIIIe siècle que la morbidité et la mortalité dues à la variole atteignent leur maximum, favorisées par l’extension des villes, l’homme étant le seul réservoir de la maladie [12] La variole, partout présente en Europe, apparaît en épidémies par cycle de 5 à 7 ans. On a estimé qu’à cette époque, environ 80 % de la population la contractait avant l’âge adulte. Le taux de mortalité chez les personnes atteintes est de 10 À 14 %, représentant en France une moyenne annuelle de 50 000 à 80 000 morts. A Paris, en 1716 et 1796, elle fait plus de 14 000 morts. A la fin du XVIIIe siècle à Vienne, qui compte environ 255 000 habitants, elle tue 800 personnes par an (36) [1].
Également appelée « la mort rouge », elle fauche aussi bien les riches que les pauvres. On observe cependant une inégalité en termes de taux de mortalité et de virulence de la maladie entre les villes et les campagnes, où les intermèdes entre les périodes épidémiques sont plus longues, mais où la virulence est plus importante, frappant en majorité les enfants. Sur l’ensemble du XVIIIe siècle, elle aurait été responsable d’environ 60 millions de morts.
Louis XIV en aurait réchappé, selon les dires de l’époque, grâce à un nouveau remède : l’antimoine, vomitif s’apparentant à l’arsenic. Louis XV en est atteint en 1774 et meurt dans de terribles souffrances, abandonné de tous ses proches serviteurs.
La maladie frappe brusquement par une fièvre très élevée, une forte migraine frontale et des vomissements. Les personnes atteintes sombrent alors dans un délire profond, alors que des pustules recouvrent leur corps et leur visage, se transformant en cloques puis cicatrices profondes, si la mort n’était pas advenue auparavant. La phase aiguë de la maladie dure environ 10 jours. [13] Ainsi Léopold Mozart évoque l’atteinte du Prince Electeur.
« alors que normalement, au moindre signe de variole, tout le monde doit partir et que même les gentishommes et les officiers s’absentent de la cour au moins six à huit semaines lorsque quelqu’un a la variole chez eux … », c’est donc le 9 décembre que le prince électeur ressentit la première altération avec des maux de tête »…« le 11, il s’évanouit sur les sièges d’aisance, ses maux de tête empirèrent et son visage rougit comme s’il avait de la fièvre. Il dut garder la chambre »… ils décidèrent de le saisir à bras le corps, de le secouer fortement, ce qui le ramena à lui et eut pour effet de le faire vomir et rejeter des matières par la bouche, le cou et le nez. Depuis lors, cela va assez bien ; mais nous ne sommes pas encore sortis du danger, que Dieu nous soutienne ! il est couvert de pustules, à l’intérieur et à l’extérieur du corps, mais elles sont, Dieu merci, bénignes. Il souffre toutefois affreusement et est méconnaissable tant il est enflé. Son dos n’est qu’une plaie, à force de rester couché. » [14] Le Prince Electeur mourut une semaine plus tard.
Les causes des maladies infectieuses sont ignorées, et il n’existe pas de mesure préventive. En ville, les hôpitaux qui accueillent les pauvres et les malades ne prennent aucune mesure d’isolement, regroupant dans d’immenses dortoirs insalubres contagieux et non contagieux, constituant alors des foyers d’extension de la maladie.
Ce n’est qu’avec la généralisation de la variolisation puis de l’utilisation de la vaccine par Jenner en 1796 que l’on put obtenir le recul de la maladie [15].