Harcèlement moral chez les artistes. La mésaventure de Léa Seydoux

Il existe un lieu commun dans les pratiques artistiques contre lequel il faut s’élever clairement. Les relations violentes sont supportables lorsqu’elles émanent de personnes talentueuses, elles font même peut-être partie du cortège et de l’aura du chef, du professeur, du réalisateur incontesté et incontestable. On excuse trop facilement les chefs dictatoriaux, les réalisateurs caractériels, les professeurs d’une extrême dureté. Ils sont « bons » et il faut les supporter. L’art, l’objectif ne justifie pas les moyens. D’autant que l’on peut obtenir un résultat identique sans fureur, sans abjection, en respectant chacun.
Si la majorité des artistes sont d’une grande courtoisie dans leur relation professionnelle, c’est une raison supplémentaire pour remettre à leur place ceux qui sont dans l’abus et qui dans leur rôle social de leader abusent de leur pouvoir.
Certes l’apprentissage et la pratique d’un art peut être à certains moments une épreuve, qui peut exiger de soi un investissement profond et parfois difficile, mais le leader, le professeur doit repérer ces phases et justement leurs apporter une attention particulière. L’empathie, la bienveillance, l’accompagnement deviennent alors nécessaires pour diminuer l’impact de ces difficultés.
Trop de leaders pensent que la souffrance, la douleur sont nécessaires à l’action artistique. Que le matériel humain que représente l’artiste doit être exploité à son maximum, aux limites de sa physiologie, de son psychisme et de plus sans égard particulier.
Ces comportements doivent être combattus fermement. On peut apprendre la musique ou la danse tout en respectant l’élève, jouer de la musique sans admonester durement le musicien, jouer une scène sans être harcelé par le réalisateur. Les exemples sont nombreux où professeurs, réalisateurs, chef d’orchestre savent créer une ambiance bienveillante dans les moments les plus difficiles afin que la performance puisse s’effectuer en respectant l’intégrité de l’artiste.
Mais ce n’est pas toujours le cas.

Harcèlement moral et enseignement artistique (musique, danse, chant etc.)

Martha Argerich raconte que son professeur lors de ses premiers apprentissages ne manquait pas de sadisme. Elle parle de ce fantastique pédagogue Scaramuzza. Il « martelait régulièrement à la gamine que j’étais : mes élèves se forgent comme des épées. Celles qui sont en fer plient mais finissent toujours par retrouver leur forme originelle. Les épées en acier commencent par plier, puis cassent tout net. Je préfère que mes élèves cassent très vite ! A 8 ans, pour tester ma résistance, la veille d’un concert, il modifiait une centaine d’indications sur la partition que j’avais préparée ». Argerich en gardera d’ailleurs une angoisse terrible de la scène toute sa vie.