La psychologie de l’artiste : l’esprit d’un musicien

Idées reçues et à priori : facteurs d’une érosion destructrice

Peur du diagnostic, idées fausses, gêne souvent sous estimée, pas prise au sérieux ou considérée comme normale… Ces facteurs ont comme conséquence de retarder l’initiation de la prise en charge. Ces patients consultent plus tard que les autres, quand il est parfois déjà trop tard.

Idées reçues du musicien sur le plan psychologique

De la part du musicien :
Un musicien n’ira jamais consulter dès les premiers symptômes, car il sait très bien ce que cela impliquera : le médecin va exiger une limitation de la pratique et des entraînements ; ou pire, il va imposer un repos draconien interdisant pendant plusieurs mois tout mouvement susceptible d’engendrer une douleur, et par conséquent, interdisant le jeu [1]. Cette peur du diagnostique va influencer la donne.
Lors de l’enquête réalisé dans le cadre de ce travail sur la santé du musicien, j’ai remarqué cette tendance : seule la moitié des musiciens professionnels (54%) et à peine 10% des amateurs ont consulté un professionnel de la santé après avoir ressenti une gêne liée à leur pratique. (Cf Chapitre VI : analyse des résultats ; question n° 4 et corrélation amateur/professionnel. A paraître prochainement sur ce site)

Le « no pain no gain », souvent justifié comme un cap à passer et non à éviter, est une idée fausse à irradier. Il peut être extrêmement dangereux de s’exercer malgré la douleur. Cela peut même écourter une carrière, comme ce fut le cas pour Leon Fleischer (Ce pianiste virtuose (né en 1928) commença le piano à 4 ans, fit sa première représentation publique à 8 ans et souffra d’une dystonie de fonction qui l’empêcha de jouer avec sa main droite pendant plus de 40ans) . « Il y avait un côté macho à m’exercer jusqu’à franchir le seuil de la douleur, a-t-il reconnu. Même quand ma main était épuisée, je continuais. Je croyais renforcer mes muscles alors qu’en réalité ils s’affaiblissaient ». Pour beaucoup, le défi est d’intégrer la douleur non pas comme un signe d’alerte, mais comme un passage obligé, un prix à payer pour pouvoir continuer à jouer et améliorer sa technique. Voici l’un exemple d’une idée fausse, dévastatrice. Cette attitude est à proscrire, car se plier à la douleur par nécessité ne fera qu’aggraver le trouble. Mais pour un artiste, la perfection n’a pas de prix.
Dans un milieu où la compétition est féroce, se plaindre ne fait pas partie du jeu. Et de toute façon, « personne ne voudrait d’un pianiste blessé » [2].
Cette impuissance à gérer le problème l’isole encore plus. Il se considère comme un échec unique. « Pourquoi les autres réussissent si bien ? »

Un musicien que j’ai rencontré au travers de mon enquête me disait qu’il arrive souvent que des musiciens souffrant de problèmes liés à leur pratique n’en parle pas par honte, de peur d’être mis de côté, d’être déprécié.
Le musicien, tellement anxieux de perdre ses acquis, ne veut rien bouleverser. Pourquoi changer la technique alors qu’elle portait ses fruits jusqu’à présent ? La remettre en cause est une idée inconcevable. La modifier va faire vaciller tout l’édifice. C’est pourquoi cette remise en cause doit être très précoce. Il est tellement plus simple de bouleverser les habitudes d’un débutant. Un professionnel, jouant depuis 30 ou 40 ans, aura plus de difficultés à l’accepter ; la quantité de travail et de volonté à fournir pour en venir à bout en sera décuplée, et le sentiment d’échec bien souvent décourageant.
Chacun réagira à sa manière : le musicien ayant déjà connu un trouble sera sûrement plus réceptif à une prévention ; certains seront méfiants ; d’autres seront avides de conseils pour la simple satisfaction de leur soif de perfection ; d’autres encore, fuiront le corps médical comme la peste.

Ne l’oublions pas : la musique est un art, la musique est une émotion. Pour un musicien, ce côté mystique de la musique serait entravé par le côté trop concret, impersonnel et scientifique de la médecine. Sans compter tous les à priori et les connotations péjoratives que comporte sa simple évocation. L’artiste s’en est passé depuis toujours, pourquoi maintenant devrait-il s’y plier ? De plus, pour lui, un médecin n’a sûrement pas assez de connaissances concernant la performance musicale pour faire le bon diagnostic. (Ce n’est que depuis la fin des années 80 que des centres spécialisés pour les artistes ont vu le jour)

Faune, musicien et danseuse, Pablo Picasso

Idées reçues sur le plan psychologique du public

De la part de son interlocuteur : [2] ; [3] ; [4]
Beaucoup pensent que la musique n’est que divertissement, et que musicien ne puisse pas être un vrai métier. Pire : pour certains, la notion de maladie professionnelle ne peut pas s’appliquer à la musique. Remarque récurrente lorsque l’on me demandait mon sujet de mémoire : « Ah bon ? Les musiciens peuvent avoir des problèmes ? Je ne pensais pas cela possible »…

Selon Amadio, pour beaucoup de médecins, la plus grande barrière à surmonter lors du traitement d’un musicien professionnel reste la compréhension de la terminologie professionnelle et du point de vue de son patient.
Voilà pourquoi, faute d’avoir quelqu’un de compréhensif à qui s’adresser, un musicien s’auto-médiquera souvent, jouera parfois blessé ou malade, et attendra plus longtemps qu’un autre patient avant de s’adresser au corps médical.

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