Edith Piaf
Tourments amoureux
Hymne à l’amour
Les tourments amoureux hantent le répertoire et la vie de Piaf. Les hommes, à la ville comme à la scène, sont omniprésents dans ses chansons. Avec Piaf, c’est le fil rouge d’une histoire du sentiment amoureux que chacun est invité à suivre. Chansons d’amour Le répertoire de Piaf, très majoritairement composé de chansons d’amour, semble d’abord cristalliser une époque du sentiment amoureux où la virilité domine et fascine mais trouve du répondant dans les baisers, les engueulades et les chansons. Dans la lignée de la chanson réaliste, on a plutôt à faire à des durs et à des femmes soumises. Les « souteneurs à la Totor » et leurs protégées ne sont jamais loin, Pigalle non plus (Les Mômes de la cloche, Corrèqu’et rguyer, Elle fréquentait la rue Pigalle). L’amour physique évoqué sans détours dans les chansons fait rêver les nostalgiques de la « zone », et les maintient dans une situation de dominées (J’suis mordue). L’amour des corps est le trésor des pauvres : « A mon avis, les gens du monde/Ne sav’nt pas fair’ l’amour. » chante Piaf (Entre Saint-Ouen et Clignancourt), thème que l’on retrouve ailleurs dans sa version sentimentale (De l’autre côté de la rue, 1945). Car à côté des brutaux, il y a aussi les beaux gosses au cœur tendre et triste, tantôt marin, tantôt soldat (L’Étranger, Mon légionnaire…). Progressivement, le milieu des amours interlopes fait place à l’exaltation tragique des sentiments qui rejoint d’ailleurs la vie intime de Piaf (La Vie en rose, Hymne à l’amour, Les Amants d’un jour). Les séparations, les retrouvailles et une certaine revendication d’indépendance féminine (Le droit d’aimer) apparaissent aussi dans le répertoire. L’histoire se termine avec A quoi ça sert l’amour ? chantée en duo avec Théo Sarapo, son dernier mari.
Des amants, des chansons
Piaf a eu de nombreux amants, simples ouvriers, sportifs et surtout acteurs, paroliers, compositeurs ou interprètes comme elle : Jean Dréjac, Eddie Constantine... Elle les a aimés paradoxalement en femme libre autant qu’en femme soumise. Fleur bleue un jour, tyran le lendemain. Elle-même 15 s’épanche avec une émouvante sincérité dans les lettres à ses amants ou à son confident Jacques Bourgeat. Les événements tragiques avivent encore l’excès de ses sentiments, la mort de Marcel Cerdan en 1949, mais aussi dans une moindre mesure celle de Douglas Davis, dans les mêmes circonstances. Pendant la guerre, de protégée elle est devenue elle-même protectrice. Elle se révèle à la fois un Pygmalion et un manager pour Paul Meurisse puis surtout pour Yves Montand, avant bien d’autres comme les Compagnons de la chanson, Jacques Pills, Charles Aznavour, Georges Moustaki ou Félix Marten. Ils partagent tous à un moment la même affiche avec elle et bénéficient de sa notoriété, ce qui accélère leurs succès. Piaf s’intéresse aux moindres détails : éclairages, orchestration, programmes, tenues de scène et répertoire puisqu’elle écrit même des chansons pour eux. Drôle de trait d’union entre les femmes corsetées du XIXe siècle et la libération sexuelle des années 1960, elle privilégie longtemps « l’union libre » au diapason des insouciantes années folles et se moque pas mal du qu’en dira-t-on. Elle ne cède au conventionnel mariage qu’avec Jacques Pills pour mieux divorcer et finir avec le mariage un brin scandaleux avec Théo Sarapo, bien plus jeune qu’elle.