Des traits psychotiques élevés chez les comiques

Les relations entre la créativité et les affections mentales font régulièrement l’objet de recherche. Comprendre ce qui peut sous-tendre les processus créatifs ou simplement expliquer les comportements parfois singuliers des personnes inventives, que ce soit dans le domaine artistique ou scientifique, a toujours intéressé les chercheurs, les médias et le grand public.

Les comiques, les humoristes connaissent un grand succès. One man (woman) show, cinéma, théâtre, télévision, aucun média n’échappe aujourd’hui à cette demande du public. Sur le plan scientifique, il s’agit d’une population très peu étudiée. Ces artistes qui pratiquent l’humour et la comédie et qui se caractérisent par la recherche d’effets comiques en direction des auditeurs et spectateurs présentent-ils une singularité par rapport à d’autres populations artistiques et à la population générale ?

Des traits psychotiques élevés chez les humoristes

Une équipe anglaise de l’université d’Oxford [1] a étudié une population de 523 acteurs comiques britanniques, américains et australiens (404 hommes et 119 femmes). L’étude réalisée sur la base d’un questionnaire psychologique explore les traits de personnalité des artistes comiques. Plus précisément le questionnaire vise à mesurer les traits psychotiques présents chez des personnes saines.
Quatre aspects psychologiques ont été mesurés :

• expériences insolites (croyance en la télépathie et événements paranormaux) :
• désorganisation cognitive (la distraction et la difficulté à se concentrer sur ses pensées ;
• anhédonie introvertive (diminution de la capacité de ressentir le plaisir physique et social, y compris l’évitement de l’intimité) ;
• non-conformité impulsive (tendance au comportement antisocial et impulsif).

Les résultats obtenus sont clairement significatifs et confirment la singularité sur le plan psychologique des acteurs comiques. Les humoristes se distinguent des deux autres populations auxquelles ils ont été comparés (à savoir la population générale et celle des acteurs) par leurs scores significativement élevés des quatre traits de comportement psychotique. Les scores obtenus pour les traits de comportements impulsifs et les caractères de non-conformité étaient remarquablement élevés. Les chercheurs relèvent un résultat paradoxal concernant la mesure des traits de personnalité, puisque l’inversion et l’extraversion s’avèrent tous deux singulièrement élevés. Ces caractéristiques peu communes de la personnalité des acteurs comiques pourraient selon les chercheurs expliquer leur capacité à divertir. Quant aux acteurs, ils ont obtenu des scores plus élevés que le groupe général pour 3 types de traits mais pas pour celui d’introversion.

Gordon Claridge, qui a coordonné ce programme de recherche, émet l’hypothèse que « les éléments créatifs nécessaires à la production de l’humour sont très semblables à ceux qui caractérisent le style cognitif des personnes atteintes de psychose, telle que la schizophrénie et le trouble bipolaire ». Pour ce chercheur, « bien que la schizophrénie puisse être préjudiciable à la perception de l’humour ou à son élaboration, dans une forme peu développée ce type d’affection peut augmenter la capacité des gens à être créatifs et à associer des choses totalement impensables. Ce qui aura comme conséquence de faire rire les autres personnes".

"De même, la pensée maniaque – fréquente chez les personnes atteintes de troubles bipolaires – pourrait aider les gens à avoir de nouvelles idées, et à créer des connexions originales et humoristiques", ajoute-t-il.