Le stress ressenti chez les artistes et le risque cardiovasculaire

Les thérapeutes n’écoutent pas suffisamment les patients, et plus encore lorsque ce sont des artistes. Si les symptômes ne correspondent pas à des critères référencés, s’ils sont éminemment subjectifs, ou si l’examen clinique traditionnel ne vient pas les confirmer, ils sont rarement entendus. Parfois même, le patient a le sentiment que le thérapeute nie le problème. La douleur, le symptôme n’est pas objectivable : c’est donc psychologique.
Pourtant s’il existe une vérité, c’est bien celle du patient. C’est ainsi que pendant des décennies on est passé à côté de la dystonie de fonction chez le musicien, que l’on passe aujourd’hui à côté de certains problèmes lésionnels des lèvres et de l’embouchure des musiciens indétectables actuellement par des examens paracliniques. Il en va de même pour le stress, trop souvent jugé comme faisant partie de la pratique d’un art scénique, sans en mesurer les conséquences péjoratives.

 
Etes-vous affecté par le stress ?
Le stress est un phénomène fréquent chez les artistes, peu étudié dans cette profession. Le stress est généralement un symptôme banalisé. Il s’agit d’un terme polysémique qui effectivement peut être interprété de manière variable, parfois positif ou négatif. Mais la référence en l’occurrence doit être le patient, ce qu’il ressent. Les conséquences du stress sont réelles, et la souffrance induite par les situations de stress doit être prise en compte chez les artistes lorsqu’elle a un impact sur sa santé et sa qualité de vie, sa pratique instrumentale et plus largement professionnelle.
Une étude récente d’une équipe de l’INSERM en collaboration avec d’autres équipes européennes a montré que les personnes qui déclaraient au début de l’étude que leur santé était « beaucoup ou extrêmement » affectée par le stress avaient un risque multiplié par 2,12 d’avoir ou de mourir d’une crise cardiaque comparée à ceux qui n’avaient signalé aucun effet du stress sur leur santé.
 
Cette association entre le risque coronaire et le stress ressenti était constatée même lorsqu’on excluait les autres facteurs de risque de maladies coronariennes telles que l’hypertension, le diabète, l’indice de masse corporelle, le niveau d’activité physique par exemple, et un ensemble de risques comportementaux ou psychologiques.
"Le message principal est que les plaintes des patients concernant l’impact du stress sur leur santé ne devraient pas être ignorées en milieu clinique, car elles peuvent indiquer un risque accru de développer une maladie coronarienne et d’en mourir", relève Hermann Nabi, le responsable de l’équipe Inserm qui a participé aux travaux.
"Nous nous sommes rendus compte que les gens sont capables d’évaluer assez précisément l’impact du stress sur leur propre santé", ajoute-t-il. C’est une raison finalement assez logique pour le thérapeute de les écouter et de les croire lorsqu’ils expriment un problème que le thérapeute a de difficultés à évaluer lui-même. Dans cette intersubjectivité, la vérité du patient est un élément fondamental, voire essentielle dans l’analyse clinique que doit faire le thérapeute. Les décès subits chez des artistes jeunes dus à un problème cardiaque ne sont pas rares, le décès récent de James Gandolfini vient nous le rappeler.