L’aspect relationnel dans l’enseignement du piano. Chronique d’un professeur de piano. N°14

Empathie en pédagogie

Apprécier chaque moment

Renoir

Il faut aussi être dans l’empathie « laisser l’autre exprimer jusqu’au bout ce qu’il a à dire », c’est vrai en psychologie, aussi en cours de musique. Il faut aussi vivre le moment présent, « saisir l’opportunité du seul présent dont nous soyons sûr, c’est-à-dire le moment que nous vivons, et vivre sans délai ce que nous espérons […]. Etre présent nous permet d’utiliser notre intellect d’une manière créative sans peur et sans limite ». En cours, c’est une règle de base, apprécier chaque moment pour ce qu’il est et pas toujours pour la performance musicale. On n’apporte pas nécessairement ce que l’on pensait au départ ; se sentir bien avec l’élève, c’est déjà beaucoup.
Dans son autre livre, Le travail d’une vie, Thierry Janssen donne une définition intéressante de la spiritualité :
« Pour moi, la spiritualité n’a aucune connotation religieuse, elle définit le sens que chacun attribue à ses expériences et le but que chacun peut donner à sa vie. […] Être spirituel, c’est être conscient de ses peurs et de ses défenses, c’est reconnaître et accepter ses sentiments, ce qui engendre le respect, la sollicitude et la compassion envers soi et autrui ». Ainsi pour lui, les relations humaines sont une source de développement pour chacun de nous et « la relation humaine représente la plus belle mais aussi la plus exigeante des pratiques spirituelles ».
Il parle donc d’un accompagnement psychologique et spirituel dans ses consultations et avoue « faire allusion aux observations de sa propre vie, cela aide la personne à intégrer la notion de non-jugement […]. Il n’y a pas de place pour une relation gourou-disciple… Le rôle d’un vrai maître, c’est de permettre à l’autre de devenir son propre maître ».
C’est pleinement vrai en pédagogie aussi. Parler un peu de soi en cours, oser confier ses faiblesses, accepter l’erreur, accepter de ne pas savoir, c’est primordial pour faciliter la relation et ça ne dévalorise en rien. Bien au contraire, il est nécessaire de se placer sur un plan d’égalité avec les élèves quel que soit leur âge. Un cours, c’est un échange, il faut toujours créer un climat de confiance.

Christophe André écrit : « Les états d’âme positifs rendent aussi plus persuasif ; dans la vraie vie il est important de créer une ambiance affective, protective au travail ou dans l’enseignement si l’on veut que nos conseils soient mieux écoutés et retenus ».
Concrètement, en cours, cela signifie parler, expliquer, mais aussi jouer, donner un exemple à l’instrument même si ce n’est pas parfait. Scheyder relate une expérience d’improvisation pendant un stage avec des étudiants et leurs professeurs : après un temps d’improvisation, les gens se retrouvent pour parler d’autres choses, de cuisine par exemple. Il dit : « Ces échanges apportaient ensuite à l’improvisation ou à l’interprétation un plus inespéré. Ce n’est pas dans la musique que l’on trouve la musique, c’est hors d’elle. La musique est la culture de la vie, non la vie elle-même, elle ne s’auto-reproduit pas. […] Prendre du temps à chercher, à se tromper, est un luxe spirituel proche de la méditation. A long terme, c’est un plus incomparable ».

Ainsi, médecin et musicien se rejoignent dans leurs idées et leurs conclusions.

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