Femmes et pratiques artistiques
A. Delacoux publie en 1832, il y a près de deux siècle un ouvrage sur les Préceptes de santé des Femmes, deux de ces chapitres concernent les Femmes et les pratiques artistiques. Les préjugés, les stéréotypes de genre sont inscrits dans l’histoire de l’évolution de notre espèce, certains sont toujours présents, nous pouvons également les le voir dans le champ artistique. Médecine des arts a consacré un numéro double sur la santé de la Femme musicienne. Dans ce numéro les auteurs envisagent plusieurs thèmes sur la santé des stéréotypes de genre aux particularités liés au sexe.
Le texte qui suit, se veut un aperçu historique du sujet. Le contenu de la revue Médecine des arts aujourd’hui est à la fois près de ce propos par l’intérêt qu’il porte à la santé des Femmes dans le champ artistique et éloigné par le souci accordé aux contenus réalisés par des experts dans le champ de la santé et qui sont le fruit de leurs recherches scientifiques dans le champ de la sociologie, de la biomécanique, de la physiopathologie et de la psychologie.
Éducation artistique chez les Femmes
Quoique l’éducation chez les femmes ait rarement pour but une profession quelconque, beaucoup sont tenues cependant à des études et des exercices spéciaux qui ressortent ordinairement des beaux-arts, la musique, le dessin et la peinture. Aujourd’hui surtout dans les grandes villes, parmi les familles aisées il est peu de jeunes personnes qui ne soient tenues à apprendre le solfège. Une belle voix assurément donne de nouveaux charmes à la beauté, mais il ne faudrait point de l’étude d’un art d’agrément faire un exercice pénible et fatigant. On se donne beaucoup de peine pour apprendre à chanter aux jeunes personnes, et cependant la voix qui forme le chant est aussi naturelle que la voix qui forme la parole, quoique Rousseau ait dit le contraire. Comme l’enfant qui entend chanter se met facilement à l’unisson de la voix qu’il suit, il serait donc plus rationnel d’apprendre à ouïr la musique que de l’enseigner par la lecture. Ce serait le plus sûr moyen de donner aux enfants le goût de l’expression et les affranchir en même temps de l’étude rebutante des premiers principes.
La mélodie naturelle devrait toujours précéder la mélodie spéculative et celle-ci n’être que l’application et l’analyse de la première. La preuve que dans ses résultats cette méthode serait préférable à toute autre, c’est que le chant d’imitation ou appris par l’oreille, est beaucoup plus agréable que celui qu’on a appris par l’étude.
Si nos méthodes de chant sont assez perfectionnées pour conduire au but qu’on se propose, keur application néanmoins n’est pas toujours sans inconvénients pour les jeunes personnes qui subissent toutes les épreuves. Supposons qu’on veuille faire commencer le solfège à l’enfant : à la première leçon le maître pourra bien lui faire parcourir sans peine toute la première octave de l’échelle diatonique, et forçant tous les jours un peu sa voix, le conduire à un degré plus ou moins élevé de la seconde octave ; toutefois encore en ne lui faisant chanter que des gammes dont tous les tons sont également gradués ; mais il en sera tout autrement quand il voudra lui faire dire des phrases de musique longues et soutenues. La voix manquera souvent à l’élève qui sera forcée de reprendre haleine, ou si elle peut soutenir toute ce passage elle arrivera à la fin presque exténuée. Pour peu qu’on prolonge la leçon l’élève sera bientôt fatiguée, la respiration deviendra précipitée, le cœur battra plus vite, en un mot, tous les phénomènes de la vie s’écarteront momentanément de leur rythme naturel.
A un âge ou l’ensemble de l’organisme n’est pas suffisamment consolidé, il est facile de concevoir que les exercices forcés du chant ne sont point toujours exempts d’accidents graves ; et même on peut pressentir ce qui peut résulter des perturbation physiologiques qui en sont les conséquences immédiates. Dans l’état naturel, la respiration se partage en deux temps presque égaux, celui de l’inspiration, et celui de l’expiration. Or par le seul fait du chant, ces deux phénomènes ne se succèdent plus d’une manière régulière et uniforme ; l’inspiration s’effectue brusquement, tandis que l’expiration au moyen de laquelle la voix soutient, dure dix ou vingt fois plus que la première, et quelquefois quand la phrase musicale se prolonge elle est forcée jusqu’à l’extinction. Le sang ne pouvant pénétrer dans les poumons instantanément contractés, dilate fortement les cavités du cœur, reflue dans les gros vaisseaux et les capillaires, alors on voit les veines du col se gonfler et la face devenir rouge. Par le seul fait de ces perturbations, nous sommes autorisés à croire à beaucoup de maladies organiques du cœur et à des phtisies pulmonaires. Il est à notre connaissance que plusieurs jeunes filles qu’on destinait à la scène lyrique n’ont pu continuer les exercices du chant, vu qu’elles étaient devenues sujettes à des hémoptysies graves et à des lipothymies fréquentes. Beaucoup d’élèves sont renvoyées du conservatoire pour cause de santé ; vien cependant qu’on ait soin de ne recruter pour ce séminaire que des sujets bien portants. Ces considérations suffisent, ce nous semble, pour persuader qu’il n’est point sans inconvénient et sans danger d’apprendre à chanter de trop bonne heure aux jeunes personnes ; qu’il est toujours prudent de ne point forcer la voix ni de prolonger l’intonation jusqu’au point de fatiguer la respiration.
Quoique réelles, les influences de la musique instrumentale sur la santé des femmes, sont moins évidentes que celles de la musique vocale. Il faut distinguer ici les effets qui résultent des rapports immédiats avec l’instrument mis en jeu, de ceux que produisent les sons à distance. Dans le premier cas, les vibrations qui successivement se communiquent, produisent une sorte de malaise et de lassitude générale. La harpe principalement a cet inconvénient : la caisse de cet instrument portant immédiatement sur la poitrine, communique à cette dernière cavité de fort es percussions, notamment quand on fait vibrer vigoureusement les basses. Bien que les sons à distance agissent plus ou moins puissamment sur les individus, toujours est-il cependant qu’ils modifient de diverses manières la sensibilité. Les animaux mêmes expriment souvent le plaisir ou le malaise que leur fait éprouver la musique ; certaines notes sensibles provoquent chez les chiens des hurlements ; pour nous il est des tons plus agréables que d’autres. Chez quelques personnes la musique détermine le bâillement, chez quelques autres elle stimule, porte à la joie, à la satisfaction, provoque la tristesse ou cause de l’anxiété. Nous connaissons une dame qui sent le besoin de manger aussitôt qu’elle entend de la musique ; un concert lui cause toujours au moins une indigestion. A la longue la mélodie modifie tellement la sensibilité, qu’en général les amteurs et les artistes de professoon sont éminemment irritables, susceptibles de vives émotions ; tous aussi sont peu chargés d’embonpoint. Comme le dessin, la peinture, ne sont que des accessoires à l’éducation des jeunes personnes, et que rarement l’un et l’autre sont cultivés d’abord dans un but d’utilité ou d’une manière excusive, il ne sera point question ici de leur influence que la santé publique des femmes.