Femmes et pratiques artistiques

Des professions chez les femmes

Dans l’ordre social, les obligations qui sont imposées au sexe le plus faible sont rarement d’accord avec sa destination essentielle. Ou les usages le détournent de ses attributions véritables, ou des besoins individuels l’éloignent du but essentiel auquel il est appelé. Remarquons que de la double condition d’épouse et de mère, dérive une suite d’obligations plus que suffisantes pour occuper tous les instants de la femme qui voudrait scrupuleusement les remplir. Or, les professions ne sont donc point le fait des femmes ; ou, toutes les fois qu’elles n’ont point pour objet l’exécution en grand des actes qui se renouvellent chaque jour dans l’ordre domestique, elles sont de véritables dépravations morales. Car la femme n’est pas plus appelée à conduire la charrue et à tenir le sceptre des nations que l’homme n’est fait pour tenir l’aiguille et le fuseau. Il faut admettre en principe que le besoin et la nécessité seuls ont asservi les femmes à des occupations exclusives et spéciales. Dès que les classes riches et aisées ont pu se démettre à prix d’argent des obligations domestiques, on en a surchargé les classes pauvres et mal aisées. Aussi plus nous descendons dans celle-ci, plus les professions se multiplient et deviennent fixes. C’est encore dans ces dernières qu’on peut mieux étudier l’influence qu’elles exercent sur la santé, tant par le fait de leur spécialité, que d’après le degré d’aisance qu’elles procurent.

Dans l’état actuel de la société, notamment dans les cités populeuses, les professions chez les femmes ne se bornent point, a des travaux manuels ; les beaux-arts et le commerce sont autant de carrières qu’elles embrassent et suivent avec des chances différentes sous le rapport de la santé. Quant aux beaux-arts, la déclamation, le chant et la danse sont à peu près les seuls exercices dont les femmes puissent faire leur profession. Quoique ces trois genres de talents tiennent moins à la persévérance et au travail qu’à des dispositions naturelles, la pratique dont ils sont l’objet n’a point seulement des effets immédiats et instantanés sur l’ensemble des phénomènes organiques, mais renouvelée tous les jours, elle influe évidemment sur les habitudes corporelles de celles qui s’y livrent. Remarquons que, dans la déclamation dramatique, l’imitation froide et calculée, et un débit méthodique, seraient insuffisants pour représenter fidèlement les personnages qu’on reproduit sur la scène. Un âme impassible et sans chaleur, nous donnerait une fausse idée de la malheureuse passion de Phèdre, de la jalousie d’Hermione et de la tendresse d’Andromaque. Outre la sagacité nécessaire à saisir de semblables caractères, il faut encore que l’imagination opère une substitution de lieux et de personnes, sans laquelle il n’y aurait rien de naturel ni de vraisemblable. Pour attendrir jusqu’aux larmes, il ne suffit point de peindre la douleur et le désespoir, il faut encore participer à l’une et à l’autre ; pour réveiller une généreuse indignation il ne suffit point non plus de simuler l’injustice et la cruauté, il faut encore être animé d’un sentiment de vengeance. L’âme doit nécessairement participer à toutes les actions qui émeuvent péniblement ou agréablement. Conséquemment l’art dramatique n’est donc pas sans inconvénient pour les femmes qui s’y vouent ; et il serait physiquement impossible à celles qui tiennent les emplois de premier ordre de paraître tous les jours sur la scène. Ce sont principalement les héroïnes de mélodrame qui sont le plus exposées aux secousses violentes des passions simulées, puisque ce n’est que par des efforts inouïs qu’on peut rendre les caractères exagérés dont se composent les pièces de ce genre. Nous avons connu plusieurs actrices et débutantes de talent incontestable qui ont été forcées de quitter les premiers emplois de mélodrame pour raison de santé. Tout Paris a vu cette femme de bien, mademoiselle L… : cette excellente actrice ne quittait jamais la scène sans avoir une extinction de voix, et très souvent avec une dyspnée et un sentiment de suffocation qui persistaient plusieurs jours de suite. Encore jeune, elle a succombé à une maladie organique, que plusieurs praticiens célèbres ont regardée avec nous comme occasionnée par les commotions violentes et successives éprouvées sur la scène. Peu de nos célèbres tragédiennes ont offert des exemples de longivité : et nous admettons que si la plupart étaient sans aisance et sans fortune, et que si les soins dont elles s’entourent ne neutralisaient point les effets des exercices fatigants du théâtre, un très petit nombre pourrait les soutenir longtemps.

La scène lyrique n’est point non plus tout à fait exempte d’inconvénients pour les femmes qui y figurent habituellement. Les influences que peuvent avoir les exercices du chant sur les habitudes corporelles, seraient moins évidentes encore, si nos cantatrices de profession étaient dégagées des entraves d’une mise obligée quand elles se donnent en spectacle. Guindées dans un corset très serré, la poitrine ne pouvant se dilater librement ni acquérir toute son amplitude, il est physiquement impossible qu’elles puissent dire des morceaux de longue tenue sans beaucoup d’efforts et de fatigue. Affranchies d’une toilette gênante, les femmes chantent mieux et plus longtemps ; leur voix du matin n’est point celle du soir, l’une est plus ample et mieux assurée, l’autre plus rétrécie et plus frêle. Ces différences tiennent assurément à l’état de liberté ou de gêne de la respiration. Les modifications insolites qu’éprouve ce dernier phénomène, par le fait du chant et des circonstances qui en font un travail pénible, peuvent être suivies des mêmes accidents que nous avons énoncés dans le chapitre précédent. Pour se convaincre que l’exercice de la voix, devenu un travail exclusif et spécial, n’est point sans influence sur les habitudes corporelles des femmes principalement, il suffit de les interroger elles-mêmes sur les malaises qu’elles éprouvent à la suite d’une séance musicale, et de remarquer que la plupart (jeunes encore) sont forcées de quitter la scène pour raison de santé.

Ce que nous avons à dire de la danse, n’appartient point spécialement au fait de cet exercice même ; car la plupart des accidents auxquels sont exposées les nymphes de nos ballets, ne peuvent résulter que de la transition d’un exercice forcé à un repos absolu, et d’un refroidissement subit dont elles ne sauraient toujours se garantir en quittant la scène. Des douleurs arthritiques, des rhumes fréquents sont des indispositions que les danseuses non seulement ne peuvent éviter, mais encore toutes les femmes qui figurent sur les théâtres. Il serait temps enfin, que les administrateurs de ces établissements fissent quelque chose en faveur de la santé de leurs employées qui, sous des robes légères et courtes, les bras nus et la poitrine découverte, sortant de leurs loges bien chauffées pour s’exposer aux courants d’air des coulisses et même souvent à un froid excessif, ne peuvent dans de pareilles circonstances éviter de graves indispositions. Il est de fait que les affections catarrhales pendant les saisons froides et même en tout temps, sont plus communes chez les actrices que parmi les femmes des autres conditions.

Ces incuries portent assurément les plus grands dommages aux administrations des théâtres, soit par les maladies qu’elles occasionnent chez les bons sujets, soit qu’elles viennent subitement compromettre une réputation acquise, ou décourager un véritable talent, par le fait de leur influence instantanée. Le refroidissement subit des bras surtout, a une action presque immédiate sur les organes de la voix : et telle qui à l’instant même chantait à ravir, est prise tout à coup d’un enrouement contre lequel l’injuste public ne manque jamais de murmurer. Enfin pour se convaincre que ces différents genres, dont la culture est constituée en profession, sont loin d’être favorables à la santé et à la longévité, il suffit de consulter les annales des théâtres [1]

Docteur Arcier, découvreur de l’ouvrage et de cet extrait. Rédacteur de Médecine des arts®
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Bibliographie

[1] A. Delacoux. Le médecin des Femmes ou préceptes de santé à leur usage dans la vie privé. Paris, Audin libraire, 1834.

 


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