Johann Strauss

Opérettes de Strauss

Autant le père était lent à se décider pour fixer sur le papier une composition, autant Johann était actif. Il serait fastidieux d’énumérer la longue suite de valses qu’il écrivit.
Depuis les premières intitulées Chansons d’Amour, Ver luisant, Sons de Rhadamante, Feuilles du matin, Sur les Montagnes, Vienne nouveau, Feuilles volantes, Vin, femmes et chant, sans oublier cet immortel Danube bleu qui le fit connaître dans le monde entier et qui devint comme un air national auquel se ralliaient tous les Autrichiens en pays étranger ; depuis ces premières compositions jusqu’aux dernières (il y en a exactement 477 sans compter les œuvres de théâtre), il marche de succès en succès.
La fraîcheur de ses idées mélodiques, leur rythme si entraînant, si nouveau, l’originalité de leur harmonie, l’esprit de leur instrumentation donnèrent aux compositions de Strauss un cachet tout spécial et firent de lui un maître. Le plus précieux témoignage qu’on puisse apporter à la gloire de Johann Strauss est cette opinion de Richard Wagner qui, malgré sa tendance peut-être un peu dédaigneuse, sait rendre hommage au musicien :
« Deux des plus originales et des plus séduisantes manifestations dans le domaine artistique témoignent de ce que Vienne peut produire tout à fait de son propre fonds, sur un terrain où l’on ne songe guère en haut lieu à faire tomber les subventions, et où tout s’accomplit avec la simple connivence d’un public plein de fantaisie, de bonne humeur et de joue de vivre ; ce sont les drames merveilleux de Raimund et les Valses de Strauss. Si vous ne souhaitez pas quelque chose de plus haut, tournez-vous de ce côté-là. Cet art se soutient par lui-même, bien qu’en vérité il ne soit pas très profond ; mais une simple valse de Strauss surpasse, par la grâce, par la finesse, par le soutenu réellement musical, la plus grande partie des ouvrages de fabrication étrangère laborieusement élaborés ; et cela tout autant que la tour de l’église Saint-Etienne (La plus belle église de Vienne) surpasse les fameuses colonnes creuses qui bordent les boulevards parisiens. »
En dépit des pierres qu’il jette dans notre jardin ou tout au moins sur nos boulevards, l’avis de Wagner est précieux à retenir. Strauss était du reste fort goûté par les musiciens les plus sévères de son temps, et l’amitié que lui témoigna Johannès Brahms prouve en quelle haute estime il était tenu dans le monde musical.
Mais Strauss lui-même voulut s’élever au-dessus du genre où il avait conquis sa réputation et dès 1870 il se mit à composer des opérettes. Cette nouvelle phase de sa vie artistique débuta par la Reine Indigo, qui fut très chaleureux accueillie par le public de Vienne. Dès lors Strauss persévéra dans la voie qu’il venait de se tracer et chaque année presque vit éclore une nouvelle œuvre de théâtre. C’est ainsi qu’il fit jouer successivement le Carnaval à Rome (1873), Fledermaus, la Chauve-Souris (1874), Cagliostro à Vienne (1875), Le Prince Mathusalem (1877), Blincde Kuh (ou Colin-Maillard) 1878), le Mouchoir de la Reine, la Guerre Joyeuse, Une Nuit à Venise, le Baron Tzigane, Simplicius, le Chevalier Pazman, la Princesse Ninetta, Jabuka, le Muguet (Waldmeister en allemand), la Déesse de la Raison. Il existe encore une Cendrillon inédite dans les papiers qu’il a laissés après sa mort en 1899.
De toutes ces œuvres, ce fut Fledermaus qui obtint le plus gros succès. Fledermaus est à la fois une opérette et un opéra-comique ; elle est au répertoire du Grand Opéra de Vienne et en même temps elle se joue sur un théâtre d’opérette.
Pourquoi la Fledermauss n’a-t-elle pas pénétré en France ? Il y a à cela une raison qui n’a aucun rapport avec  la musique qui est charmante ; c’est que le livret est littéralement … extrait (soyons poli) par MM. von Haffner et Genée du Réveillon de Meilhac et Halevy. Il y en eut une importation en France au théâtre de la Renaissance en 1877 sous le titre de la Tzigane. Mais il n’y a pas plus de rapport entre la partition de la Tzigane et celle de la Chauve-Souris qu’entre une valse de Strauss et une polka de Métra.
Les difficultés qui avaient été opposées avec juste raison à la représentation de Fledermaus en France par Meilhac et M. Halévy ont été aplanies ; et le directeur des Variétés, M. Samuel, a saisi à propos l’occasion de nous faire connaître une partition tout à fait charmante qui a déjà fait le tour du monde. Il ne manquait plus à Fledermaus que la consécration parisienne, elle l’a obtenue. Johann Strauss était du reste déjà des nôtres depuis longtemps.

Louis Schneider mai 1904 Musica
 

Imprimer

Association

Faire un don
Adhérer

Formation Médecine des arts-musique

Cursus Médecine des arts-musique