Johann Strauss

Le roi de la valse

 

Pour Beaucoup, Johann Strauss est le roi de la valse. L’opérette que les Variétés viennent de jouer, la Fledermauss, autrement dit la Chauve-Souris, a prouvé à ceux qui aiment cantonner un musicien dans un genre, que Johann Strauss sut aussi bien appeler au secours, la Musette de l’opéra-comique et de l’opérette, que la Muse ou la Musette de la valse.
Si Johann Strauss excella dans le sonnet sans défaut qu’est la valse, il montra aussi que son souffle était de plus longue haleine, et il fit de l’opérette.
Mais il est évident qu’il dut d’abord sa réputation à la valse. Il faut dire aussi qu’il était né au pays de la valse. Vienne en 1825 n’était pas seulement la capitale de l’Autriche, c’était aussi une immense salle de danse. A tous les carrefours, c’était une frénésie de danse, il n’y avait pas une brasserie qui n’eût son petit orchestre et ne donnât, outre la nourriture substantielle, des flots d’harmonie à ses clients ; il n’y avait pas un coin de gazon qui ne fût transformé en un jardin restaurant où l’on ne dansât. Ce n’étaient pas là des ébats chorégraphiques qui pussent être comparés à ce que l’on appelle chez nous la danse. En public notre danse a toujours quelque chose d’échevelé, d’endiablé, qui la rapproche tant soit peu du « chahut » ; c’est  du reste ce qui a toujours fait aux yeux de l’étranger et même aux nôtres l’attrait des bals en plein air ou dans les music-halls. En Autriche comme en Allemagne, la danse a toujours eu quelque chose de plus réservé, de plus familial ;… la fille sans danger y pouvait conduire sa mère.

1. Johann Strauss dirigeant son orchestre dans un jardin public à Vienne
2. Mme Adèle Johann-Strauss et le compositeur Johannes Brahms à Ischl

On pourrait se demander s’il y a une allure plus dévergonder dans notre quadrille, où chacun fait des pirouettes de son choix et à la hauteur que son élasticité lui permet d’atteindre, ou dans la valse au balancement doux, à la griserie lente et progressive, à l’ivresse et à l’engourdissement délicieux qui vous font perdre la notion des choses. La valse convient sans doute aux peuples primesautiers, j’oserai dire … prime-sauteurs.

Or, à Vienne, on naissant en valsant, à moins qu’on ne valsât en naissant. Et il est fort probable que le 25 octobre 1825, le jour ou Johann Strauss fit son apparition dans ce monde, il y fut accueilli sur un rythme ternaire. Cela n’avait rien d’étonnant, car le père de Johann Strauss, qui s’appelait Johann lui aussi, était le plus étonnant musicien de l’époque. Il dirigeait les bals de la cour, il dirigeait deux ou trois différents orchestres soit dans des brasseries, soit dans des jardins publics, et où qu’i fût, c’était un cortège d’admirateurs, c’était une assemblée de triomphe. Cet Orphée autrichien aurait fait valser des pierres.

Son répertoire se composa d’abord des danses des autres, mais timidement il commença à y entremêler son propre répertoire ; puis le succès venant, il ne joua guère plus que de ses compositions. L’histoire raconte même que Johann Strauss le père avait une facilité et aussi une paresse telles qu’il se mettait au travail une heure avant de livrer sa musique à son orchestre. Les danses n’en étaient pas moins de délicieuses trouvailles, et le surnom de Roi de la Valse fut bien mérité par le père.

Autographe de Johann Strauss (Le beau Danube bleu)

 

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