Facteurs de risque et mécanisme de la pathologie chez le musicien
Circonstances favorisantes une pathologie
Autres facteurs de risque et Circonstances favorisantes
Lors de l’interrogatoire d’un patient musicien, on retrouve très souvent un facteur déclenchant, un changement dans les habitudes : la préparation d’un concert ou d’un concours, le travail d’un passage technique difficile, l’apprentissage d’un nouveau morceau. L’augmentation de la durée de jeu et de la difficulté, associée à la répétition intensive de certains morceaux, voire de certaines notes, explique l’apparition des troubles caractéristiques.
La recherche perpétuelle de perfection expose le musicien à de nombreux dangers. Le constant besoin de se surpasser – en outrepassant parfois ses propres capacités – , le stress, la surcharge de travail, les conditions de travail, le poussent toujours un peu plus vers le surmenage. Concerts, représentations de plusieurs heures, chaque jour, voire plusieurs fois par jour, sont des circonstances favorisant l’apparition de troubles fonctionnels.
S’ajoute à cela un manque d’échauffement avant le jeu, souvent par manque de temps ou manque de sensibilisation. J’en ai fait l’alarmante constatation lors de mon enquête : parmi les amateurs, 74 % disent ne jamais s’échauffer avant de jouer – parmi les professionnels, 64 % disent s’échauffer, alors que cela devrait être systématique. [Cf partie VI : Enquête par questionnaire – question 8]. Une élève du conservatoire de Mons m’a dit qu’il n’y avait jamais d’échauffement avant que le cours pratique ne débute, « parce qu’ils manquent de temps et que personne ne leur en a parlé !… » 5 à 10 minutes, pour ne pas commencer à jouer « à froid », est-ce si énorme ? La même constatation peut être faite concernant le stretching. Rares sont ceux qui s’étirent après avoir joué plusieurs heures. Pourtant, après un footing de 30 minutes, n’est-il pas normal de s’étirer ? Le musicien n’a pas souvent en tête la composante sportive et l’implication physique de sa pratique.
Lors de mon enquête, de nombreux témoignages m’ont fait prendre conscience du manque d’information, de prise de conscience du corps et du « néant de prévention au conservatoire » (je cite). La carence pédagogique est bien réelle. Or c’est le professeur qui a le rôle le plus important : il est le modèle de ses élèves. Malheureusement, la désinformation sévit tant du côté des élèves que de celui des professeurs. L’enseignement est très variable d’un professeur à l’autre, chacun a ses recommandations sur le positionnement et beaucoup enseignent leurs propres erreurs. Pour Amadio [6], des positions non physiologiques comme une déviation ulnaire excessive et une flexion du poignet trop prononcée sont souvent enseignées par certains professeurs, au détriment de leurs élèves. Dans mon enquête, à la question 6 sur les risques que peut engendrer une pratique incorrecte, environ 2/3 des musiciens professionnels (64 %) disent n’avoir que de vagues notions, voire aucune. Beaucoup n’ont donc pas conscience des « risques du métier ». [Cf partie VI qui sera traitée ultérieurement : Enquête par questionnaire – question 6].
A quand des cours d’anatomie et de physiologie au conservatoire ?
Le professeur doit être une des clés du bon apprentissage - celui qui ne fera pas le compromis de la mauvaise posture ou de la douleur. Que dire des autodidactes, qui ont souvent appris sur le tas, en imitant les autres ?
De longues sessions d’entraînement, avec de courtes pauses caféine-nicotine associées à une mauvaise alimentation, voilà le style de vie de nombreux musiciens ! [7]
Le stress joue également un rôle prépondérant. Un autre musicien rencontré lors de mon enquête m’a dit que pour lui, le stress ressenti pendant une représentation publique lui faisait oublier la douleur, qu’il ne la ressentait que quand il jouait en dehors des représentations ou lorsqu’il donnait cours. Serait-ce l’effet de l’adrénaline ?
Le musicien se dédie entièrement à sa musique et laisse souvent de côté les autres possibilités qui s’offrent à lui pour améliorer sa condition physique et son endurance [8].
Le manque de sensibilisation, d’échauffement, d’étirement ; l’auto-apprentissage ; le surmenage, le stress ; la sédentarité associée à une hygiène de vie souvent négligée, entre autres, sont autant de facteurs de risques qui sont susceptibles de conduire à la pathologie.
Rédactrice Camille Josse, kinésithérapeute, pour Médecine des arts®
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Bibliographie
[1] NOURISSAT G., CHAMAGNE P., DUMONTIER C., Motifs de consultation des musiciens en chirurgie de la main. Revue de chirurgie orthopédique, Vol. 89, p. 524-531, 2003.
[2] HOTCHKISS RN., Common disorders of elbow in athletes and musicians. Hands Clinics, Vol. 6, n° 3, p. 507-514, August 1990.
[3] KAI-NAN A., BEJJANI F., Analysis of Upper-Extremity Performance in Athletes and musicians. Hand Clinics, Vol 6, n° 3, p. 393-402, August 1990.
[4] POTTER PJ., JONES IC., Medical problems affecting musicians. Canadian Family Physician, Vol. 41, p. 2121-2128, December 1995.
[5] STERN PJ., Tendinitis, Overuse Syndromes, and Tendons Injuries - Hands injuries in sport and performing arts. Hands Clinics, Vol. 6, n°3, August 1990.
[1] NOURISSAT G., CHAMAGNE P., DUMONTIER C., Motifs de consultation des musiciens en chirurgie de la main. Revue de chirurgie orthopédique, Vol. 89, p. 524-531, 2003.
[6] AMADIO PC., Russotti GM., Evaluation and Treatment of Hand and Wrist Disorders in Musicians. Hand Clinics, Vol. , n°3, pp. 405-41.
[7] CHAMAGNE P., Les dystonies de fonction chez les musiciens : principes fondamentaux d’une rééducation. Annales de Chirurgie de la Main, Vol.12, n°1, p.63-67, 1993.
[8] SHAFER-CRANE G., Repetitive Stress and Strain Injuries : Preventive Exercises for the Musician. Phys. Med. Rehabil. Clin N. Am., Vol. 17, p. 827-842, 2006.
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