Estampes japonaises

Hokusaï

Les imitateurs d’Outamaro sont assez nombreux. Nous citerons d’abord Yeishi (1764-1829), célèbre pour sa série des Courtisanes, recueil d’estampes sur fond argenté, œuvre digne du maître, et aussi Outagawa Toyokuni (1769-1825) : celui-ci est plus réaliste et la grâce de ses compositions rappelle parfois celle des plus grands maîtres du XVIII° siècle.

Avant d’aborder l’étude du génial artiste Hokusaï, qui est la gloire de l’estampe japonaise, il convient de mentionner l’un de ses précurseurs, Masayoshi (1761-1824), le maître du croquis rapide et du dessin cursif. On a dit que le cerveau des artistes japonais est un appareil photographique, dont l’objectif est l’œil. Les Japonais, en effet, perçoivent avec une rapidité surprenante les moindres mouvements, les attitudes les plus variées des animaux ; ils enregistrent dans leur cerveau une image synthétique de la nature et l’expriment avec une merveilleuse simplification dans la notation, en ne donnant que l’essentiel à l’aide d’un dessin sommaire et prodigieusement expressif. Les croquis de Masayoshi nous offrent un exemple frappant de cette extraordinaire faculté (7).

Oiseaux divers, chauve-souris et cigognes, par Masayoshi
7 Oiseaux divers, chauve-souris et cigognes, par Masayoshi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Autant par l’importance de son œuvre que par sa personnalité, Hokusaï occupe la première place dans l’histoire de la peinture et de l’estampe japonaises. La vie de ce grand artiste fut étrange. Bohème incorrigible, traqué par ses créanciers, il déménagea, dit-on, quatre-vingt-dix fois. Plein de dédain pour l’argent, Hokusaï ne vécut que pour son art. Il mourut à quatre-vingt-neuf ans, et sa longue carrière nous offre un exemple extraordinaire de labeur incessant et de grande modestie. A soixante-quinze ans, il écrivait : « Je dessine depuis l’âge de six ans, j’ai toujours travaillé et pourtant je suis mécontent de tout ce que j’ai fait jusqu’à soixante-dix ans. Ce n’est qu’à partir de soixante-treize ans que j’ai commencé à comprendre la forme et la nature vraie. A quatre-vingts ans j’arriverai au fond des choses. Je pense à cent ans être supérieur et, à cent dix ans, tout sera vivant dans mon œuvre. »

Hokusaï est un dessinateur incomparable, un des plus grands artistes de tous les temps. Son coup de pinceau est vif, nerveux, incisif, âpre et puissant ; sa sûreté de main et sa spontanéité sont incomparables. Dans la plupart de ses œuvres on observe une recherche passionnée du mouvement : « Je voudrais, écrivait-il, que mes personnages et mes animaux aient l’air de se sauver du papier et que tout soit vivant dans mon art, soit une ligne, soit un point ». Son recueil, la Mangwa, c’est-à-dire Esquisses rapides, œuvre capitale du maître, véritable encyclopédie de la vie japonaise, ne comprend pas moins de dix mille croquis exécutés d’un seul trait, sans lever le pinceau (8). Dans ce recueil, où l’artiste saisit, avec une rare acuité d’observation, les gestes et les attitudes, s’épanouissent à chaque feuillet un esprit caustique, une bonne humeur spirituelle, qui est un des traits du caractère japonais (8).

Les métiers, extrait de la Mangwa par Hokusaï
8 Les métiers, extrait de la Mangwa par Hokusaï

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’œuvre de Hokusaï est immense et d’une grande variété. Nous mettrons au premier rang ses trois recueils, les Images des poètes, les Grandes fleurs et les Trente-six vues du Fuji (9). Dans ce dernier recueil, Hokusaï se révèle un des premiers peintres impressionnistes ; il donne toute l’importance à la couleur et varie les tons, suivant l’heure du jour et suivant les saisons. On sait que le Fuji est l’un des principaux volcans du Japon. C’est en 1834 qu’il publia un autre recueil sur le Fuji, intitulé les Cent vues du Fuji. Dans ce recueil, le paysage n’est que le cadre de scènes populaires. Mentionnons également sa série des Cascades, qu’on peut compter au nombre de ses chefs-d’œuvre pour l’invention décorative.

Une des Trente-six vues du Fuji, par Hokusaï
Une des Trente-six vues du Fuji, par Hokusaï

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hokusaï ne fut pas seulement un dessinateur d’estampes et un peintre de génie, il fut aussi un merveilleux dessinateur industriel ; il nous a laissé un nombre considérable de modèles pour les étoffes, les peignes, les pipes, les écrans, les gardes de sabre, etc. Comme dessinateur, ce maître eut plusieurs manières. Dans la Mangwa, son dessin est nerveux, sec un peu heurté ; dans ses Grandes fleurs, il a de la noblesse, de l’élégance, une grâce souple. A l’exemple de Korin, Hokusaï tantôt se montre naturaliste ou réaliste, tantôt stylise la nature avec une sorte de lyrisme et un esprit d’invention décorative très remarquable. On en trouve un exemple dans sa Vague (10), une des estampes les plus connues de son recueil, les Trente-six vues du Fuji. Cette composition, d’une allure si puissante et si pleine de fougue, nous montre la mer en furie : les énormes volutes des vagues sont comme frangées de griffes.

La Vague, dans les Trente-six vues du Fuji, par Hokusaï
La Vague, dans les Trente-six vues du Fuji, par Hokusaï

 

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