Bases neurologiques du jeu des mains du pianiste

Questions soulevées en observant un pianiste en train de jouer

1. Comment fait le pianiste pour utiliser les deux mains en même temps et d’une façon asymétrique, chacune apportant sa contribution à la production de sons parfaitement articulés entre eux, sans interférence et selon un rythme propre ?
Ce qui étonne, ce n’est pas le caractère bimanuel de l’emploi de ses doigts, tout à fait banal chez l’être humain dans bien des situations de la vie courante, mais c’est cette association dans le BUT de créer des sons a priori bien définis et coordonnés. La partition est elle-même écrite avec deux  « clefs » distinctes  chacune étant dédiée à une main (la clef de sol pour la main droite et la clef de fa pour la main gauche).

2. Jouer sur un clavier correspond à un acte qui fait partie d’un système sensitivo-moteur très structuré.
Or, l’organisation nerveuse est toujours duale : nous avons donc à l’origine de cet acte deux hémisphères cérébraux. Et nous pouvons facilement déduire qu’il existe « en double » un faisceau cortico-spinal (final common way) qui émane de chacun des côtés et qui (après décussation au niveau du bulbe) relie une aire corticale motrice primaire et la corne antérieure de la moelle d’où part le nerf qui va activer la musculature de la main.
Ainsi le cerveau droit fait fonctionner la moitié gauche du corps alors que le cerveau gauche anime les muscles du côté droit. Cela est intangible, quelles que soient les modulations du geste. En effet celles-ci arrivent préalablement au niveau des neurones du centre moteur primaire du cortex, après avoir été générées par l’action des nombreux interneurones qui les relient aux autres noyaux cellulaires corticaux ou sous-corticaux du même côté. C’est avant d’atteindre la moëlle que le geste est anticipé et que les actions motrices planifiées dans un but donné vont démarrer.  

3. Comment va s’opérer une répartition adéquate des commandes motrices entre les deux hémisphères ?
Dès lors se pose la troisième question : comment à partir d’une musique (que l’on peut appeler holistique) on ne peut plus définie, va s’opérer une répartition adéquate des commandes motrices entre les deux hémisphères ?
L’artiste peut ou bien lire globalement la partition dans le même temps de son interprétation ou bien entendre le morceau totalement de façon imaginative grâce à la mémoire qu’il a acquise auparavant.
La réponse est à chercher dans la relation établie par les commissures interhémisphériques, mais alors comment peut s’articuler un système neuro-moteur d’un côté avec le système construit à l’identique et contro-latéral ?
Nous reviendrons sur ce problème de latéralité dans l’utilisation des deux mains.
S’agit-il d’un hémisphère dominant dit « préféré » qui s’impose dans la totalité de l’interprétation ?
Sinon comment laisse-t-il l’autre hémisphère agir concurremment pour lui-même ?

4. Si nous devons admettre  que la musique créée par une main est différente de celle jouée par l’autre main, comment cela s’articule t-il, dans le temps et dans l’espace, le résultat devant correspondre à la mélodie que l’on est censé jouer ?
Dans cette interpénétration des commandes, il est déjà possible de dire qu’il faut obéir à un certain nombre de contraintes : Avec J. Fagard on peut distinguer :

  • des contraintes de synchronie qui sont plutôt des contraintes d’asynchronie puisqu’elles concernent le rythme des deux mains qui doit être différent car le pianiste est capable de jouer des polyrythmes. (Cela est à distinguer de la syncinésie qui se voit chez l’enfant et dans quelques cas pathologiques où les deux mains réalisent des gestes identiques dits « en miroir » sans possibilité de s’en empêcher) ;
  • des contraintes de temps évidente ;
  • et des contraintes de latéralité qu’il faut parfois combattre pour observer les précédentes.

On voit déjà que cette liste de questions, non exhaustive, montre que les problèmes posés sont multiples (même si l’on se limite aux seules données motrices).

5. Sur le plan dynamique la complexité va encore augmenter, car il se surajoute des données sensorielles et proprioceptives liées aux mouvements des doigts.
En effet pour que le musicien puisse corriger à tout moment ses gestes en se rapprochant le plus possible des résultats escomptés sur le plan sonore, il dispose de la mise en jeu de l’audition et de la vision. C’est ainsi qu’il peut lui-même apprécier sa performance de façon permanente et dynamique. La différence entre le feed-back et le feed-forward a été soulevée.
Les influx afférents recueillis sont souvent redondants et partagés entre les deux hémisphères (à cause de la latéralisation des voies de la sensibilité).
Un choix va s’avérer nécessaire qu’il soit conscient ou inconscient.
C’est par un entraînement intensif (ou apprentisage) qu’auront pu s’automatiser les séquences et c'est ce qui permettra ce choix sans intervention de la conscience grâce à la facilitation par passage répété d’influx dans les mêmes neurones.

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La main du pianiste

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