Anorexie mentale dans le milieu de la danse. Symptômes et diagnostic. Chapitre 2

Après la mort d'une mannequin anorexique

Après la mort d’un mannequin anorexique

En 2006, le Quotidien du Médecin faisait une chronique à propos du mannequin brésilien décédé à Sao Paulo des suites d’une anorexie. Ce décès avait relancé le débat autour de ce risque de santé auxquels sont exposés les top-modèles en raison de leurs mensurations filiformes qu’elles doivent observer si elles veulent rester dans le circuit.
Ana Carolina Reston est morte à 18 ans, elle devait poser pour des photos de mode à Paris. Ce mannequin mesurait 1,74 cm pour seulement 40 Kilos. Elle avait été hospitalisée, quelques semaines précédant son décès, pour une infection urinaire qui a évolué en insuffisance rénale ; "elle n’avait aucune résistance et les médicaments ne faisaient plus d’effets en raison de son extrême faiblesse", a déclaré à la presse la tante de la jeune fille. Ana Carolina était mannequin depuis l’âge de 13 ans, elle a mené une carrière internationale, elle a travaillé au Japon, au Mexique, en Chine et en Turquie. Pour répondre aux standards exigés par les couturiers et les responsables d’agence, la mannequin ne s’alimentait plus ces derniers temps qu’avec des pommes et des tomates.

Suite à ce décès, on a assisté à de nombreuses réactions, notamment à Madrid où les autorités madrilènes pour la première fois au monde ont exigé que les mannequins fassent connaître leur indice de masse corporelle (IMC). L’autorisation de défiler dans le cadre de la 44e édition de la Pasarela Cibeles, le grand rendez-vous de la mode ibérique était liée au niveau de cet indice. Ainsi cinq participantes avaient en raison d’un IMC inférieur à 18 (56 kilos pour 1,75 m) été exclues de ce défilé.
Les 31 couturiers inscrit à ce grand défilé avaient tous donné leur accord pour respecter la règle. L’association des créateurs de mode d’Espagne avait tenu à exprimer son "engagement à transmettre lors de cet événement une image de beauté et de santé".
Mais ces mesures se sont estompées avec le temps, et certains pays n’ont pas pris ces engagements. "A Milan, New York, Rio, les responsables de Fashion Weeks ont pondu des chartes et des codes de bonne conduite qui n’ont jamais été respectés. "Le créateur a le dernier mot. S’il veut une fille, il y mettra le prix, confie un agent de mannequin. Et plus une fille est maigre, plus elle aura de chances de travailler". Le président de la Fédération française à cette période Didier Grumbach, s’est contenté d’indiquer que "c’est au créateur de décider de quel type de mannequin il a besoin (…) cela ne se réglemente pas". La proposition de loi française "visant à lutter contre les incitations à la recherche d’une maigreur extrême ou l’anorexie" est restée en souffrance au Sénat [12]

A la même période, août 2006 la mannequin urugayenne Luisel Ramos de 22 ans mourait d’épuisement à la fin d’un défilé. "On raconte qu’elle s’était mise au régime feuilles de salades-Coca-light depuis des mois et qu’elle avait cessé de s’alimenter deux semaines avant le début dés défilés".
Pour Lagerfeld : "Le corps mode aujourd’hui, c’est une silhouette faite au moule, d’une étroitesse incroyable, avec des bras et des jambes interminables, un cou très long et une très petite tête. Il ne faut pas avoir d’os trop larges. Il y a des choses qu’on ne peut pas raboter". Un peu provoc il déclarait "parlez-moi plutôt des 25 % qui ont un problème de surpoids plutôt que du 1% qui sont maigres ! [13]

A Médecine des arts l’approche juridique, une énième loi concernant des comportements, n’est pas la direction que nous conseillons en première intention. Les chartes, les voeux que l’on exprime et que l’on médiatise ne sont pas non plus des démarches que nous proposons.
La prévention, nous la préférons ciblée au plus près des situations à risques. Lagerfeld fait une erreur d’analyse. Au plus près de l’activité, cela est vrai en danse mais plus encore dans le mannequinat, la prévention concernant le surpoids n’a effectivement aucun sens, mais le pourcentage de 1% de maigre cité par Lagerfeld devient près de 100 % dans le mannequinat et le pourcentage des sujets très maigres reste spectaculairement élevé et une prévention spécifique s’impose et elle est de la responsabilité des structures qui travaillent dans ce monde de la mode. C’est aux organisations d’employeurs (ou aux organisateurs) et au système assurantiel de mettre en place cette prévention et de financer les actions de prévention et les critères d’’employabilité qui respectent la physiologie corporelle. Nous ne pensons pas à Médecine des arts que l’esthétique soit incompatible avec la santé. Une responsabilisation médico-légale peut avec plus d’efficacité qu’une loi permettre le développement d’une prévention.

Une consultation médicale spécialisée devrait être ouverte par les assurances (publiques ou privées) afin de mieux comprendre les enjeux, de conseiller, d’orienter mais aussi engager des études épidémiologiques pour mieux appréhender le phénomène et différencier les formes habituelles d’anorexie mentale vraie des anorexies "professionnelles". L’IMC d’une marathonienne est en général inférieur à celui des danseurs et danseuses, et n’est en rien significatif d’anorexie mentale. Bien évidemment cela n’exclut pas qu’il existe des anorexies mentales au sein de ces populations, mais tout le travail des spécialistes est de les différencier avec justesse. Les conséquences médico-légales, la déclaration en maladie professionnelle ou en accident du travail pourraient alors faire avancer la prise en compte réelle de ces troubles.

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