Quand les foetus entendent des voix

Des capacités discriminatives des sons innées ou acquises ?

Avant même tout apprentissage, le cerveau trois mois avant le terme est équipé pour traiter les caractéristiques particulières de la parole humaine grâce à une organisation sophistiquée de certaines aires linguistiques cérébrales (régions péri-sylviennes droite et gauche).

Des capacités discriminatives des sons innées ou acquises ?

A la naissance, les « nouveaux-nés sont capables de distinguer des syllabes proches, de reconnaître la voix de leur mère, et de différencier différentes langues humaines. Ces capacités chez le petit humain sont-elles dues à la présence de mécanismes innés propres à l’espèce humaine pour traiter la parole, ou à un apprentissage rapide des caractéristiques de la voix maternelle pendant les dernières semaines de grossesse ? » [1]
Des chercheurs de l’Inserm ont cherché à comprendre les capacités du fœtus à apprendre à distinguer des sons. Ils ont testé « les capacités de discrimination auditive de 12 nouveau-nés prématurés de 28 à 38 semaines d’aménorrhée, c’est-à-dire 2 à 3 mois avant le terme. A cette période, le cerveau est immature, les neurones sont en train de migrer vers leur localisation définitive. Pourtant chez ces bébés, malgré cette immaturité, les premières connexions entre le cerveau et le monde extérieur se mettent en place, notamment celles permettant au fœtus d’entendre les sons.

Les chercheurs ont évalué la capacité de discrimination auditive des nouveau-nés prématurés : « Ils ont stimulé auditivement les nouveau-nés prématurés, en les exposant à deux sons de syllabes proches (« ga » et « ba ») prononcées soit par un homme soit par une femme. » [1]
« Ils ont enregistré leur réponse cérébrale grâce à l’imagerie optique fonctionnelle (spectroscopie proche infra-rouge). Les chercheurs ont ainsi pu montrer que malgré leur cerveau immature, les prématurés sont réceptifs aux changements de voix (homme ou femme) et aux changements de phonèmes (« ba » ou « ga ») (figure 1). Le nouveau-né prématuré de 3 mois, comme le fœtus de 6 mois, entendent bien, et est en mesure de reconnaître et distinguer les voix de ses proches. Il reconnaît la mélodie et la prosodie de la voix maternelle, il perçoit de grande variété de contrastes de phonétique, bien avant de pouvoir les reproduire.

Projection des activations sur le cerveau d’un prématuré de 30 semaines d’aménorrhée Légende : Le changement de phonème entraine une augmentation de l’activité cérébrale dans les régions temporales et frontales, notamment à gauche. La réponse au changement de voix est plus limitée, et ne concerne que la région frontale inférieure droite. (© PNAS)

Avant même tout apprentissage, le cerveau trois mois avant le terme est « équipé pour traiter les caractéristiques particulières de la parole humaine grâce à une organisation sophistiquée de certaines aires linguistiques cérébrales (régions péri-sylviennes droite et gauche). L’organisation des aires cérébrales étant gouvernée par l’expression des gènes au cours du développement du foetus, les auteurs suggèrent que l’apparition du langage est en grande partie influencée par la génétique et donc par des mécanismes innés. » [1]
De plus, les ensembles ou réseaux de neurones impliqués chez le prématuré sont très proches de ceux décrits chez l’adulte dans le même type de tâche. Ils sont asymétriques et impliquent notamment les régions frontales. Comme chez l’adulte, la région frontale droite répond à la nouveauté, quel que soit le changement, alors que la région frontale gauche, ou région de Broca, ne répond qu’au changement de phonème. » (schémas)

L’ouïe est le sens le plus avancé du fœtus. Plusieurs études ont mis en évidence que le fœtus répondaient à diverses stimulations acoustiques. [2], [3] La majorité de ces études mettent en avant que l’audition fœtale débuterait entre la vingtième et la vingt-huitième semaine de gestation [4], [5]

Médecine des arts©

Anatomie
D’un point de vue anatomique, le pavillon et l’oreille externe sont ségrégés vers la dixième semaine de gestation, mais ils ne prennent leur place définitive sur les côtés de la tête que vers la seizième semaine. La maturation et l’agrandissement de l’oreille externe et moyenne se poursuivent en même temps que l’enfant grandit, affectant la sensibilité auditive à différentes fréquences [6]. En ce qui concerne l’oreille moyenne, elle semble se différencier plus tôt, soit vers la cinquième et sixième semaine de gestation et vers la septième et huitième semaine, les osselets commenceraient à croître [7]. Pour sa part, la cochlée semble être fonctionnelle après 18-20 semaines de gestation et le développement de l’oreille interne se terminerait dans le huitième mois [8]. Vers la vingt-deuxième semaine, bien que présentant d’importantes variabilités interindividuelles, l’émergence du nerf auditif permet de projeter l’information au cortex auditif [9]. Les différentes structures composant la voie auditive primaire, telles que le noyau cochléaire, le complexe olivaire supérieur, le colliculus inférieur et le thalamus, sont majoritairement ségrégées à la naissance, mais vont tout de même se modifier avec l’expérience. Le développement du système auditif central continue jusqu’à la fin de l’enfance et même l’adolescence [10]  [11]

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