Les risques d’accident sur scène n’épargnent pas les chefs d’orchestre
Accidents, maladies modifient la trajectoire professionnelle des musiciens
Traumatismes chez les musiciens et les chanteurs
Je ne pouvais presque plus bouger les bras. Quelques jours plus tard, j’ai dû diriger la Messe en si mineur de Bach, et je l’ai fait avec deux doigts…
Kurt Mazur aurait dû avoir une autre destinée que celle de chef d’orchestre, mais le sort en a décidé autrement.
Une carrière de chef d’orchestre par défaut
« Devenir chef, c’était pour moi comme devenir toréador pour un Espagnol pauvre ! dira-t-il lors d’un interview en 2002. Ce n’est pas une personne qui m’a inspiré, c’est une nécessité. Jeune pianiste, je ne désirais qu’une chose : être organiste. Mais une maladie a courbé définitivement l’un de mes doigts. Le docteur m’a dit d’oublier le piano et l’orgue. Mais je n’imaginais pas d’autre porte de sortie que la musique. J’ai grandi dans une très petite ville où il n’y avait pas d’orchestre. Il m’a fallu atteindre l’âge de 16 ans pour assister à un concert ou à un opéra. J’ai su instantanément que je voulais devenir chef d’orchestre.
Kurt Marzur fait partie des chefs d’orchestre qui utilisent rarement la baguette. Le sort également, et finalement les problématiques de santé ont également nécessité un changement dans sa pratique. Il dira lui-même, qu’il avait décidé de ne plus diriger à l’aide de la baguette : « à la suite d’un accident de voiture en 1972. Je ne pouvais presque plus bouger les bras. Quelques jours plus tard, j’ai dû diriger la Messe en si mineur de Bach, et je l’ai fait avec deux doigts ! Depuis, je n’utilise plus de baguette. Mais je la reprends dès que la précision de l’orchestre n’est pas à mon goût ».
Ainsi chez le musicien, les aléas de santé jouent un rôle particulièrement important dans sa destinée professionnelle. Nombre de musiciens ont à minima modifié leur parcours en relation avec un problème de santé, un accident ; Schumann, Django Reinhardt en sont les illustrations les plus connues. Mais ils sont plus nombreux encore à avoir arrêté définitivement leur pratique instrumentale du fait d’un aléa de santé.
Les chutes de plain pied sont une cause banale de traumatisme pouvant induire une interruption plus ou moins longue de la pratique instrumentale. Si elles surviennent généralement en dehors de phases de jeu, les risques professionnels en relation avec une chute en temps et lieu de travail ne sont pas anecdotiques et restent relativement fréquentes.
Les chutes des artistes en pleine représentation sont dans le domaine de la variété extrêmement fréquentes ; le plus souvent légères, elles font le buzz sur internet, Beyoncé, Lady Gaga, Madonna, Rihanna en ont été les victimes avec des conséquences limitées.
Une soprano dans un fauteuil roulant
Peu de temps auparavant, c’est Joyce DiDonato (Photo ci-dessus, © Neil Gillepsie) qui avait glissé au cours de la représentation du Barbier de Séville à Covent Garden et s’était fracturée une jambe (le péroné). Pensant s’être fait une simple entorse, elle avait terminé la représentation avec une canne ; en fait hospitalisée à la fin de la représentation, il s’agissait d’une fracture. Pour autant, les représentations suivantes se sont bien tenues, Joyce DiDonato donnant de la voix sur un fauteuil roulant. La mise en scène a été quelque peu adaptée pour tenir compte de l’incapacité « pédestre » de la chanteuse.
La musique adoucit la douleur
Le 25 septembre 2009, c’est le compositeur David Ott qui faisait une grave chute. Alors qu’il conduisait la première de son opéra The Widow’s Lantern, à l’Opéra de Pensacola en Floride, il a fait une chute en allant récupérer sa partition. Il est tombé sur un plancher en béton 4,5 mètres plus bas. Il s’est fracturé 11 vertèbres sans atteinte de la moelle épinière. Il dira lui-même qu’il a eu beaucoup de chance : « Je n’ai souffert d’aucune paralysie, le rétablissement a duré plusieurs mois, mais je pouvais marcher dès hors de l’hôpital le jour suivant. Il rajoutait que « sans doute, la musique a augmenté et a accéléré le processus curatif. Chaque jour, j’ai écouté de la grande musique comme véhicule pour soulager la douleur, l’augmentation des endomorphines favorise la guérison ».
Les chefs d’orchestre ne sont pas épargnés. En 2006 après une Neuvième de Beethoven avec l’orchestre philharmonique de Boston, saluant le public, James Levine est tombé de scène. Il a présenté un traumatisme de l’épaule qui a nécessité une chirurgie et a entraîné quatre mois d’indisponibilité. Jeudi 26 avril 2012, Kurt Mazur a fait une chute d’un podium en pleine exécution de la Sixième symphonie de Tchaïkovski, au Théâtre des Champs-Elysées. « Il dirigeait l’Orchestre National de France lorsque, en plein troisième mouvement de la Pathétique, il s’est approché au bord de l’estrade sur laquelle il était surelevé et est parti en arrière, chutant jusqu’aux premiers rangs du public. Hospitalisé, il semble après examen (scanner) qu’il ne souffre que d’un léger traumatisme et devrait sortir dans quelques jours. »
Au fil des semaines, nous insistons sur les risques auxquels sont soumis les artistes. Ces risques sont insuffisamment pris en compte ; l’analyse des risques fait partie des obligations légales depuis plusieurs années et ces risques doivent figurer dans un document nommé Document unique. Les organisations musicales comme toutes les organisations professionnelles sont soumises à cette législation.
La prévention des risques nécessaire chez les artistes
Les traumatismes liés à une chute sont extrêmement banals, les conséquences sur la pratique instrumentale sont souvent redoutables pour le musicien. La prévention demande une aptitude première, c’est d’être conscient du risque et d’appliquer les mesures de protection et de prévention nécessaires de manière systématique ; c’est trop rarement le cas dans le milieu artistique.
Ces exemples montrent si c’était nécessaire que même si la musique a pour certains des vertus thérapeutiques, comme le dit David Ott, elle n’a en rien des vertus d’antidote vis-à-vis des risques et les organisations artistiques, les artistes eux-mêmes devraient s’en convaincre.
Rédacteur Docteur Arcier André, président fondateur de Médecine des arts®
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Revue Médecine des Arts N°95 Santé physique et mentale des musiciens
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