Le rêve et les actes manqués. Psychanalyse. Chapitre 4

Les schémas freudiens ont été construits à partir d’une longue et méticuleuse expérience thérapeutique, pour rendre compte des divers aspects des névroses. C’est en se fondant sur eux que peut se dérouler la cure psychanalytique. Mais la psychanalyse dépasse largement le domaine de la psychopathologie, et donne de bien des aspects de la vie quotidienne une explication très riche et très féconde, le rêve, les actes manqués par exemple.

Le rêve et Freud

Le rêve auquel Freud a consacré des travaux célèbres en 1900 (L’interprétation des rêves) et en 1901 (Le Rêve et son interprétation), est la « voie royale » qui conduit à l’inconscient.
A. Le rêve, un porte ouverte sur l’inconscient
Le rêve se présente comme une succession d’images, pour la plupart visuelles, qui envahissent la conscience du dormeur ; celui-ci, à son réveil, peut souvent faire un récit de son rêve, sous la forme d’un scénario qui constitue le contenu manifeste du rêve. La psychologie traditionnelle s’est intéressée au rêve comme à une forme inférieure de la vie mentale, correspondant à un relâchement de l’attention et de la conscience. Freud y voit, au contraire, une forme très riche de la vie psychique, qui nous permet de connaître l’inconscient du rêveur.

• 1. Le contenu manifeste du rêve
  Sous le contenu manifeste, il existe en effet un contenu latent constitué par les désirs refoulés du rêveur, organisé selon les lois de l’inconscient (qui admet, en particulier, la coexistence de désirs contradictoires) ; le contenu manifeste est alors l’expression du contenu latent.
• 2. Le contenu latent du rêve
  Le cauchemar, Johann Heinrich-Füssli Le passage du contenu latent au contenu manifeste suppose un certain travail psychologique, que Freud nomme l’élaboration du rêve. En effet, les désirs refoulés ne peuvent se manifester – du moins en général - tels quels dans la conscience du rêveur, car même endormie, la censure reste encore vigilante. L’élaboration du rêve se traduit par des modifications du contenu latent selon divers processus : condensation de plusieurs représentations inconscientes en une représentation unique (un personnage, par exemple, a la tête de X, la voix d’Y, le nom de Z, etc.) ; déplacement de la puissance affective d’une représentation sur une autre (un objet normalement indifférent peut devenir l’occasion d’une panique ou d’un enthousiasme onirique) ; censure pure et simple de certains aspects du contenu latent « blancs » du rêve, discontinuités, expression symbolique de certains aspects du contenu latent.
• 3. Les matériaux du rêve
  Le contenu latent, ainsi travesti, mutilé, rendu apparemment incohérent est exprimé à l’aide des matériaux du rêve, qui sont les souvenirs de la veille, certains souvenirs infantiles, des impressions sensibles actuelles, etc. Il faut noter que la psychologie traditionnelle (par exemple celle de Maury, auteur d’un ouvrage sur Le sommeil des rêves, ou celle de Bergson) n’allait pas au-delà de l’explication des matériaux du contenu manifeste quand elle tentait de rendre compte du rêve.
• 4. Remaniement secondaire du rêve
  Un dernier remaniement a lieu, toujours sous l’effet de la censure, qui a pour conséquence de présenter la succession incohérente et discontinue des images sous la forme d’un scénario plus ou moins cohérent. Le rêve ressemble alors, par la vertu de cette élaboration secondaire, à une rêverie éveillée. L’élaboration secondaire est une sorte de rationalisation (très importante, évidemment) du rêve.

B. L’interprétation du rêve
L’interprétation (en allemand Deutung) est une démarche psychanalytique fondamentale qui consiste à mettre en évidence la signification (Bedeutung) d’un matériel quelconque (symptômes, lapsus, oublis, rêves etc.). Freud a attaché une importance particulière, aussi bien doctrinale que technique, à l’interprétation du rêve (Traumdeutung) qui est un des exercices les plus féconds de la cure psychanalytique. En pratique, c’est le sujet psychanalysé qui – sous le contrôle plus ou moins « interventionniste » de l’analyste – dégage progressivement le sens latent de son rêve en se laissant aller à des associations d’idées variées, au sein desquelles apparaît finalement « la clé du songe ». L’interprétation des rêves n’est pas un art isolé ; elle ne peut se faire que dans le cadre dynamique de la cure et par référence au contexte historico-psychologique du sujet. A l’intérieur même d’une cure, d’ailleurs, un rêve n’est jamais analysé totalement, car la dynamique propre au traitement impose, fréquemment, d’abandonner en cours de route l’analyse d’un rêve pour passer à l’interprétation d’un autre matériel.