Violon, l'éloge de l'erreur dans l'art du luthier
Des erreurs successives
Les chercheurs ont constaté que les violons élaborés par Amati, puis Stradivari et finalement Guarneri, avaient évolué lentement avec une forme plus allongé des ouïes en f et une plaque arrière plus épaisse.
Mais ce changement a-t-il été intentionnel ? Pour répondre à cette question, les chercheurs ont étudié et mesuré 470 violons produits par les luthiers de Crémone entre 1560 et 1750. Cela a permis aux chercheurs d’observer que le changement délibéré de fabrication n’est intervenu qu’à la fin de cette période.
L’évolution dans la fabrication s’est opérée selon un « modèle naturel évolutionniste ». Il est raisonnable de penser que le changement évolutif de design s’expliquerait par une mutation naturelle ou dans ce cas, l’erreur de l’artisanat.
En d’autres termes les fabricants auraient pu concevoir ce type d’instrument avec des ouïes plus longues et une plaque arrière plus épaisse non par dessein mais par erreurs successives.
« Nous avons trouvé, explique un des chercheurs que l’on ne peut repliquer une rosace de manière exacte par rapport à la dernière rosace et que l’on fait toujours une petite erreur. » De la même manière, tailler avec les matériaux de l’époque une fine épaisseur de bois ne peut se faire parfaitement et une erreur d'environ 2 % se produit. Ce qui est arrivé est en relation avec ce changement accidentel évolutif et des fluctuations aléatoires liées à l’artisanat.
Mais pas seulement cela.
Chaque luthier possédait incontestablement une bonne oreille, il savait reconnaître et reproduire les violons qui sonnaient le mieux.
« Les artisans luthiers ont fait une sélection des instruments qui leur paraissaient les meilleurs pour les reproduire. Etaient-ils conscients qu’en commettant des infimes erreurs, ils amélioraient progressivement le son de leur instrument ? Selon Nicholas Makris, le fait de faire une rosace plus étroite et plus longue contribuait à cette amélioration de l’instrument. L’avaient-ils alors compris, on ne peut pas l’affirmer mais ils savaient quel était le meilleur instrument pour le reproduire.
Les études acoustiques ont permis de mettre en évidence que le son a été amplifié du fait de ces modifications de forme et de contour. Les conditions aéro-dynamiques s’en trouvent modifier, la circulation de l’air se fait différemment à travers des trous allongés et étroits qu'à travers des trous sphériques et compacts.
Plus les ouïes sont allongées, plus l’instrument est sonore. La forme finale avait deux fois plus de puissance acoustique que des trous circulaires, cela correspond à une différence de 3 décibels et l’oreille humaine peut détecter un changement de 0,5 à 1 décibel. Les luthiers ont perçu cette différence et ils ont sélectionné les instruments à reproduire sur cette base.
Cela pourrait expliquer par exemple que les violons Amati qui ont des rosaces plus courtes sont préférés pour les ensembles de chambre par rapport à des Guarneri qui ont des formes plus longues et donc plus de puissance et sont choisis pour jouer au sein d’ensembles plus importants et dans salles de concert.
Que les erreurs soient un facteur de progrès et d'innovation, voilà qui ne nous étonne guère à Médecine des arts. « Les erreurs font progresser », une phrase qui devrait figurer au fronton des conservatoires et des écoles d'art.
Docteur Arcier André, président fondateur de Médecine des arts®
Médecine des arts® est une marque déposée. Copyright Médecine des arts©
Bibliographie
H. Nia. et al. The evolution of air resonance power efficiency in the violin and its ancestors. Proceedings of the Royal Society A. Published online February 11, 2015, p. 1.
Médecine des Arts®
715 chemin du quart 82000 F-Montauban
Tél. 05 63 20 08 09 Fax. 05 63 91 28 11
E-mail : mda@medecine-des-arts.com
site web : www.medecine-des-arts.com
Commentaires
-
ICARRE A. 24/02/15 - 11h05
Comment un accident devient un facteur d'innovation
Dizzie Gillespie était un trompettiste d'exception. Son image est connue, avec ses joues en forme de poisson de lune due à la faiblesse des muscles buccinateurs, et avec la forme si particulière de sa trompette. Le pavillon orienté vers le haut avec un angle de 45° est la forme qu'il adopte en 1952 pour sa trompette. Un accident malencontreux en était la cause, Dizzie Gillespie avait posé sa trompette sur une chaise lors d'une pause. Quelqu'un s'était assis dessus, et lorsque Dizzie reprend le jeu, il constate les dégâts et dans le même temps remarque un son original qui lui plaît, il adoptera la forme de cette trompette coudée définitivement. Une erreur, un accident qui permet de développer un effet sonore intéressant et original pour Dizzie Gillespie.