Une remise en cause de la distanciation physique par l'Orchestre Philharmonique de Vienne
Des conclusions discutables
Les directions d’orchestre en Europe sont souvent pro-actives pour répondre aux problèmes posés par l’épidémie de Covid-19. Certains expérimentent de nouvelles manières de composer l’orchestre, distanciation physique, disposition spatiale, nouveaux répertoires, nouvel espace public ; d’autres encore tentent de mesurer le risque. C’est le cas de la direction d’orchestre de Vienne qui vient de faire une expérience originale auprès des musiciens de l’orchestre. Il s’agissait pour le docteur Fritz Sterz qui menait l’expérience de documenter la manière dont l’air expiré circulait lors de la pratique instrumentale et ainsi pouvoir définir la distanciation physique indispensable à prescrire pour chaque pratique instrumentale.
La méthodologie était simple, à l’aide d’une petite sonde introduite dans les narines du musicien, un « très fin brouillard » était diffusé permettant ensuite de visualiser le flux d’air émis. Les musiciens étaient placés devant une toile noire et des lumières puissantes situées à l’avant permettaientt de rendre visible les émissions d’aérosols diffusées par chaque musicien lors du jeu.
En jouant, les violonistes n’ont pas émis plus de flux d’air que dans leur position de repos. L’émission d’air des instrumentistes à vent est restée localisée dans leur proximité immédiate. Seul, les flûtistes émettaient des particules un peu plus loin, jusqu’à 80 centimètres.
En relation avec les résultats de cette étude, le Philharmonique de Vienne souhaiterait définir des pratiques moins restrictives concernant la distanciation physique, avec le désir de convaincre le gouvernement de les suivre sur ce chemin. Ainsi cette direction estime le risque au sein de l’orchestre limité lors des pratiques instrumentales et la distanciation physique pourrait de ce fait être réduite.
Déjà, en Autriche, les mesures de déconfinement sont plus amples qu’en France ; théâtres et salles de concert dès la fin mai pourront accueillir jusqu’à 100 spectateurs, puis ce nombre devrait être élargi à 250 personnes le 1er juillet et à 1000 début août.
Analyse critique de Médecine des Arts
Cette expérience est tout au plus une observation très partielle du fonctionnement et du travail réel d’un orchestre symphonique. Celle-ci ne manque pas d'intérêt et permet de confirmer que le débit d’air émis par les instrumentistes à vent est relativement faible en dehors de la pratique de la flûte. Mais il ne prend pas en compte de nombreuses variables qui tiennent notamment à la propagation de ces aérosols dans un espace-temps donné (et non visibles du fait de leurs très faibles dimensions). Les mouvements corporels au sein même de l’orchestre, les ventilations, climatisations, le partage de pupitre, les phases de non-jeu, le stress et l’anxiété de performance liés à la performance musicale, les répertoires, le temps de jeu, etc., autant de paramètres qui vont influer sur les dynamiques respiratoires, sur la diffusion des aérosols à distance, etc.
Il nous paraît nécessaire de lancer en Europe, pour une meilleure connaissance de la physiologie des pratiques instrumentales et vocales, une série de recherches plus fines et qui prend en compte le risque réel de propagation du virus, notamment par des aérosols émis et infectés. Devant ces incertitudes, il paraît raisonnable en France (car les situations sont distinctes selon les régions), d’une part, de tester systématiquement les musiciens vis-à-vis du Covid-19 et, d’autre part, de s’en tenir a minima actuellement aux préconisations édictées pour les orchestres de Berlin, avec notamment une distanciation physique notable décrite dans le rapport Médecine des Arts : Risque inhérent aux pratiques musicales dans le contexte épidémique du COVID-19. Des mesures propres à chaque organisation, à chaque mode d'activité doivent être définies à partir de grilles générales d'analyse et de préconisations et avec le feed-back des musiciens et des techniciens de terrain ; ainsi chacun pourra se ré-approprier les mesures préventives.
20 mai 2020
Rédacteur Docteur Arcier pour Médecine des arts®
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