Quelles sont les qualités propres à la voix de contralto

Quelles sont les qualités propres à la voix de contralto. Beaucoup d’artistes classés comme contralti n’ont en réalité qu’une voix de mezzo-soprano. Ainsi une information à ce sujet n’est pas superflue. La grande cantatrice Mme Xavier Leroux-Héglon, professeur de déclamation lyrique au Conservatoire Fémina-Musica, qui tint longtemps à l’Opéra, avec un éclat incomparable, l’emploi de contralto, a bien voulu accepter d’expliquer ici la nature véritable d’un emploi vocal où personne ne l’a surpassée.

… Que tu me plais, ô timbre étrange
Son double, homme et femme à la fois,
Contralto, bizarre mélange.
Hermaphrodite de la voix !

C’est Roméo, c’est Juliette,
Chantant avec un seul gosier ;
Le pigeon rauque et la fauvette
Perchés sur le même rosier !...

… Sur le pli de sa jupe assise,
Ce soir, ce sera Cendrillon
Causant près du feu qu’elle attise
Avec son ami le grillon ;

Demain le valeureux Arsace
A son courroux donnant l’essor,
Ou Tancrède avec sa cuirasse.
Son épée et son casque d’or ;

Desdemona chantant le Saule,
Zerline bernant Mazetto ;
Ou Malcolm le plaid sur l’épaule ;
C’est toi que j’aime, ô contralto !

Nature charmante et bizarre
Que Dieu d’un double attrait para,
Toi qui pourrais, comme Gulnare,
Etre le Kaled d’un Lara,

Et dont la voix, dans sa caresse,
Réveillant le cœur endormi,
Mêlé aux soupirs de la maîtresse
L’accent plus mâle de l’ami !

Téophile Gauthier

Ainsi s’exprimait, dans ses Emaux et Camées, Théophile Gautier, qui, encore qu’il prétendit n’aimer point la musique, - C’est de lui, je crois la boutade : « La musique est le plus cher des bruits » - a laissé d’admirables pages de critique musicale.

Si je me permets, moi dont le destin est surtout de celui d’une interprète, de m’égarer dans le style didactique, c’est que je voudrais édifier le public, qui ne s’en doute généralement point, sur ce qu’est vraiment un contralto.

On a une tendance fâcheuse à classer comme contralti des cantatrices douées d’un mezzo-soprano aux notes graves très faciles. Le danger de cette tendance est manifeste : un professeur accueille-t-il une élève prouvant un mezzo-soprano aux belles notes graves, il la « travaille » comme si elle était vraiment un contralto. Le résultat, c’est un déplacement fatal de la voix, et, à la place d’un mezzo-soprano qui eût sans doute été excellent, un contralto inférieur à l’emploi qu’il assume. C’est là le signe d’un mal qui envahit le théâtre lyrique : personne ne veut s’en tenir à ses véritables moyens ; tel ténor, qui eût été excellent dans les emplois légers ou de demi-caractère, devient catégoriquement exécrable parce que son professeur a voulu faire de lui, coûte que coûte, un fort ténor. Il en est de même pour les mezzo forcés jusqu’à la voix de contralto.

Parallèlement, on classe comme rôles de contralto des rôles qui sont plutôt du registre de mezzo-soprano : tel celui de Leonore dans la Favorite. Je pourrais citer encore celui de la Reine dans Hamlet qui se trouve beaucoup mieux de l’interprétation d’un falcon que de celle d’un contralto.

Le rôle que j’aime par-dessus tout, l’admirable et terrible rôle de Dalila, est plus du domaine du mezzo que de celui du contralto.