Plasticien et détournement de matériaux, une histoire de volet en bois
Intoxication saturnine
Les artistes plasticiens détournent souvent les objets de leur propre destination. Ce plasticien R. J. avait eu l’occasion de récupérer de grands volets anciens du XIX° siècle d’un château en travaux.
Le peintre avait disposé l’ensemble de ces volets dans son atelier. Son intention était, après les avoir décapés partiellement, de retravailler ces matériaux bruts et peindre sur ces supports comme il aurait pu le faire sur une toile de peinture.
Mais quelques mois après la première étape de cette tâche réalisée, le décapage des volets, le peintre R. J. est hospitalisé au centre hospitalier pour une asthénie importante et inexpliquée avec un amaigrissement significatif et des douleurs abdominales.
Les examens d’imagerie se sont révélés normaux ; le bilan biologique montre une anémie importante avec 8 g d’hémoglobine, normocytaire et normochrome, hypersidérémique avec une cytolyse hépatique. Un myélogramme va être réalisé, qui va montrer de nombreuses hématies à granulations basophiles faisant suspecter un saturnisme.
Intoxication aiguë par le plomb
L’intoxication par le plomb est confirmée par les dosages biologiques : plombémie à 104 microgrammes/100 ml, A.L.A.U. à 250 mg/g de créatinine. La plomburie provoquée élimine 10 mg de plomb/l.
Devant l’importance de l’intoxication, une double chelation par E.D.T.A calcique et D.M.S.A est décidée. Trois cures de 3 jours seront réalisées.
Le curriculum laboris donne la solution aux thérapeutes. L’interrogatoire minutieux permet de tracer l’exposition au risque. Le décapage en milieu fermé de ces volets anciens est suspecté. En effet l’analyse de la peinture in situ, à l’aide d’un dosimètre à fluorescence X montre une teneur en plomb de 30 mg/cm2. La concentration en plomb des poussières était de 660 mg/g. Le décapage s’est fait dans un temps relativement court, quelques semaines, et il pouvait être légitimement estimé responsable du caractère aigu de l’intoxication. L’intoxication aiguë ayant entraîné une hémolyse par action directe du plomb sur la membrane cellulaire de l’hématie, la cytolyse hépatique et l’élévation majeure des ALA.
Le diagnostic rapide, la mise en place d’une cure thérapeutique par des chelateurs du plomb ont permis la correction de l’anémie en quelques semaines.
Prévention
L’intoxication aurait pu être évitée par une meilleure connaissance des objets ainsi détournés, par une protection individuelle efficace, mais que l’on trouve rarement dans les pratiques artistiques pour ce type de risque.
La mise en place d’ateliers régionaux sur des sites industriels délaissés pourrait être une alternative pour les plasticiens qui doivent utiliser des matières, produits, process présentant un risque particulier. Ainsi ils pourraient bénéficier des moyens préventifs que l’on trouve habituellement dans ces milieux.