Maladies des chanteurs

Des troubles de la voix liées à des affections rapprochées ou éloignées du larynx

La voix du chanteur s’altère aussi presque invariablement lorsque les organes respiratoires rapprochés ou éloignés du larynx sont atteints ; c’est ainsi que le plus léger catarrhe trachéal ou bronchique, ou même un coryza, influe sur la voix lorsque même l’organe vocal est resté complètement indemne. Les chanteurs n’ignorent pas combien les refroidissements ou tout autre cause d’affection catarrhale des muqueuses des voies respiratoires doit être évitée.
Les troubles digestifs ne sont pas sans influence ; on pourrait du reste généraliser bien autrement et admettre que pour posséder toute l’intégrité de la voix, le chanteur doit être absolument bien portant.
Il n’est pas rare que l’apparition des menstrues altère la voix de certaines cantatrices, obligées alors de cesser les représentations scéniques pendant toute la durée de leur époque cataméniale.
Souvent il est impossible de saisir la relation de cause à effet entre une indisposition quelconque et une altération plus ou moins marquée de la voix, qui n’en existe pas moins très réellement. On voit journellement que des artistes, au début de la tuberculisation, ou ceux qui sont atteints de syphilis, les anémiques, les chlorotiques deviennent incapables de chanter, sans que pourtant l’organe vocal soit malade, ou bien avant qu’il le devienne. C’est à la déchéance de l’organisme qu’il faut rattacher alors les modifications apportées à l’influx nerveux qui préside à la formation de la voix.
Nous ne parlons pas ici de l’aphonie nerveuse proprement dite, qui se rattache à une paralysie plus ou moins complète des nerfs moteurs du larynx. A ce point de vue, le chanteur rentre dans la loi générale de la pathologie laryngée.
Il en est autrement de certaines nuances beaucoup plus légères dans l’innervation de l’organe vocal et que nous allons examiner brièvement.
Le mécanisme complexe, en vertu duquel le chant se produit, exige que les cordes vocales subissent un degré de tension très rigoureusement déterminé, et que leur rapprochement s’effectue, suivant la nature et la hauteur du son, à des angles d’ouverture tout aussi précis. Il faut en outre que la puissance expiratrice du diaphragme, des muscles intercostaux et d’une partie des muscles du tronc soit mesurée non seulement sur l’intensité, mais aussi sur la valeur musicale du son. Pour peu que l’innervation d’un des muscles qui concourent à cette action synergique soit troublée, l’équilibre n’est plus complet, et la voix perd de sa justesse et ses nuances.
L’intégrité physique de l’instrument vocal ne suffit pas pour la production du chant, il faut encore l’intégrité physiologique du système nerveux. Il a été admis de tout temps que sous l’influence de certaines émotions, le chanteur ne peut jouir du bénéfice de son art, et pour peu que les émotions aient retenti sur son système nerveux, il devient incapable de mettre en jeu d’une façon harmonieuse l’organe vocal, si parfaitement que celui-ci soit d’ailleurs constitué. C’est ainsi que les impressions morales dépressives, la tristesse, la colère, les chagrins ont une influence incontestablement nuisible sur la voix du chanteur ; il en est de même lorsqu’il s’expose à des épuisements de l’influx nerveux, par des fatigues intellectuelles et physiques. Les exercices corporels exagérés, les travaux intellectuels, mais surtout les excès vénériens rentrent dans cette catégorie. Il est à peu près constant qu’une nuit blanche passée veneris et jocorum causa rend le chanteur incapable de faire valoir toutes les ressources de sa voix, et pour peu que la cause se répète fréquemment, la voix chantée se perd pour toujours sans que la voix parlée participe nécessairement à l’altération. L’individu peut même garder toute la force impulsive de l’organe vocal, mais il ne possède plus la faculté de coordonner dans une mesure voulue les vibrations sonores de ses cordes vocales : c’est là ce que nous avons décrit sous le nom d’asynergie vocale. Il ne s’agit donc dans ce cas que de troubles fonctionnels d’ordre que nous allons préciser dans un instant.

Dans la voix parlée, nous ne mettons en jeu qu’un nombre très restreint de notes, s’étendant quelque peu lorsque la conversation s’anime, tout en restant constamment dans la même gamme, à quelques interjonctions près, qui ne perdent rien de leur signification pour être presque toujours très peu harmonieuses. Il en est un peu différemment dans la déclamation. Mais quant au chant, les conditions sont complètement changées. Le chant exige des sons d’une valeur extrêmement précise, d’une échelle étendue à deux gammes au moins, et en outre une flexibilité de la voix, sans laquelle, en admettant même qu’elle soit parfaitement juste, il ne se produit que des cris ; il faut en d’autres termes, une succession de notes absolument justes, pour qu’il résulte de leur audition un ensemble mélodieux.
Le chanteur, qui joue de façon pour ainsi dire inconsciente, des faisceaux musculaires de la glotte et des muscles respirateurs du tronc, comme le pianiste joue des muscles de ses doigts, exécute ces mouvements en vertu d’un sentiment d’équilibre qui est inné, et qu’un exercice prolongé et des dispositions d’ordre intellectuel, ont élevé à la hauteur d’un art ; mais pour que l’instrument obéisse au sentiment, l’intégrité physique de l’instrument ne suffit pas ; pour que le larynx exécute pas normalement, ou si la transmission à travers les nerfs est défectueuse, la fonction sera incorrecte, et le chant perdra, même en admettant qu’il puisse se produire, tout ce qui en constituerait la beauté et le charme.
Certains individus accusent dans la région pharyngo-laryngée une sensation de corps étrangers, qui rappelle beaucoup celle de la boule des hystériques, ou une espèce de strangulation, avec besoin incessant d’avaler à vide ; ils répètent constamment l’acte de la déglutition sans soulagement aucun ; d’autres rapportent la sensation exclusivement au voile du palais ou même aux arrière-narines ; ils ont une tendance à porter le doigt vers ces organes dans l’intention instinctive de retirer ce qui constitue une gêne incessante.
Lorsque ces troubles se rencontrent chez un chanteur, on constatera presque invariablement que la voix est plus ou moins altérée. Or il arrive presque chaque fois que ces diverses sensations sont rapportées à une prétendue angine chronique, simple ou glanduleuse, avec propagation vers le larynx. Nous avons dans ces cas pratiqué l’examen laryngoscopique le plus minutieux avec les moyens d’éclairage les plus puissants, et nous pouvons affirmer que le plus souvent il n’existe rien de semblable, ni au pharynx, ni aux parties visibles des voies respiratoires.
Ces sensations sont purement nerveuses et ne se rattachent point à une lésion locale quelconque ; et ce qui le prouve péremptoirement, c’est que cet état morbide s’amende et se guérit sous l’influence d’un traitement général au moyen des antispamodiques et quelques règles hygiéniques bien comprises, sans qu’il soit nécessaire de faire jamais intervenir un traitement local qui serait plutôt nuisible qu’utile.
Lorsqu’on interroge attentivement ces individus, on apprend qu’ils ont des troubles nerveux multiples, des insomnies, une sensation vertigineuse, quelquefois aussi des palpitations et une grande irritabilité.
Il est donc aisé de comprendre que dans ces cas, ce n’est pas dans l’état local pharyngo-laryngé qu’il faut chercher les causes de troubles qui relèvent du système nerveux central.

Ces individus, plus que tous les autres, doivent être mis à l’abri d’impressions morales trop vives ; ils doivent en outre, éviter l’usage de toutes substances excitantes telles que les alcooliques, le tabac, le café, le thé.
Il est admis par tout le monde, et à juste raison, que les alcooliques et le tabac irritent la muqueuse pharyngo-laryngée, altèrent momentanément la voix, et laissent à la longue une trace ineffaçable. Mais il n’est pas moins certain pour nous que le café et le thé, qui n’ont aucune action locale, n’influent pas moins sur la voix en infligeant au système nerveux des modifications qui se manifestent dans la région pharyngo-laryngée par les sensations que nous venons de signaler à l’instant et par quelques troubles nerveux généraux, très peu prononcés, mais insuffisants cependant pour priver le chanteur de sa plénitude de ses aptitudes artistiques. Il devra donc en bonne hygiène éviter à la fois les substances qui irritent par action locale, et celles qui, par une stimulation trop forte du système nerveux, n’en produisent pas moins des effets nuisibles par voie indirecte.
Le chanteur doit éviter aussi les températures excessives ; le fait seul de la respiration d’un air très chaud ou très froid nuit incontestablement à la voix, même lorsqu’il ne survient point les suites du refroidissement.
Le trouble vocal dépendant du système nerveux le plus grave pour la voix chantée résulte d’un défaut complet d’équilibre dans les divers faisceaux musculaires de la glotte : la voix alors devient fausse et même rauque, et le chanteur est absolument arrêté dans l’exercice de sont art ; d’autres fois, il est seulement incapable de conduire sa voix d’une note à une autre, il a perdu l’aptitude de porter la voix. D’autres fois encore, il ne peut coordonner la voix au passage d’un registre à un autre, ou bien ce passage, lorsqu’il peut l'exécuter, se fait involontairement ; il se produit alors ce son si particulièrement disgracieux que les chanteurs désignent par l’onomatopée de couac.
Il arrive aussi que le timbre de quelques notes du registre ait changé d’une manière constante ; on sait qu’il suffit d’une modification survenue dans le nombre des harmoniques d’un son pour que son timbre soit complètement changé. Chez d’autres, la voix détonne au lieu de filer en se renforçant et en s’adoucissant. Le chanteur peut n’avoir perdu que quelques aptitudes qui ne se mettent pas constamment en jeu, celui par exemple de battre un trille, c’est-à-dire de répéter alternativement deux sons à l’aide d’un seul courant d’air non interrompu. Lorsque le chanteur ne peut pas passer avec transition douce d’un registre à l’autre, on dit qu’il y a un trou dans la voix. Une altération plus fréquente consiste dans l’impossibilité d’articuler en chantant ; la vocalisation reste pure mais l’artiste ne peut, sans que sa voix se casse, prononcer des phrases pendant le chant ; le récitatif est supprimé. D’autres fois, la vocalisation elle-même devient récalcitrante et traînante. Quelquefois l’artiste peut exécuter des morceaux exigeant le développement de toute la puissance de la voix, mais il ne produire le chant qu'à voix couverte ou à demi-voix. L’inverse se présente encore plus fréquemment.

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