Apprendre la musique en dormant

Le sommeil stimule la mémoire du musicien

Une étude récente a été menée pour la première fois afin de mieux comprendre les processus d’apprentissage et le sommeil chez les musiciens, plus particulièrement les pianistes. L’étude de Sarah Allen [1] n’a pas porté sur la qualité du sommeil proprement dit mais sur le choix des stratégies d’apprentissage précédant le sommeil et ses conséquences sur la qualité de la performance médiée par le sommeil.
L’étude a porté sur 60 musiciens de niveau universitaire supérieur en musique (Etats-Unis). Quatre groupes ont été constitués. Chaque musicien, selon l’échantillon dont il faisait partie, pratiquait une ou deux mélodies lors des sessions du soir, puis revenait le lendemain après avoir dormi et testait ensuite leur performance de la mélodie cible.
Les résultats n’étaient pas similaires selon les stratégies développées la veille par les étudiants de musique (piano).
(Les pianistes devaient jouer sur un piano numérique, le programme portait sur une pratique de la main gauche. La programmation numérique permettait d’étudier précisément la précision et la rapidité de la performance.)

  • Les musiciens qui ont appris une seule mélodie ont montré des gains de performance sur le test le lendemain.
  • Ceux qui ont appris une deuxième mélodie immédiatement après avoir appris la mélodie cible n’ont pas eu de mise en valeur après une nuit de repos de la première mélodie.
  • Enfin, les pianistes qui ont appris les deux mélodies, mais ont pratiqué à nouveau le premier morceau avant d’aller dormir ont vu leur performance sur le premier morceau améliorée après une nuit de sommeil.

Le sommeil paraît jouer un rôle essentiel dans la mémorisation selon la méthode de travail et d’apprentissage choisie. Il renforce et stabilise les capacités du musicien.

Si le cerveau a des capacités inouïes, ce n’est pas tant le fait d’emmagasiner une quantité d’informations, mais dans la manière de les traiter, de les sélectionner pour les utiliser et rester efficace. Comment le cerveau procède-t-il pour effectuer ce tri, garder telle ou telle information, en rejeter d’autres ? Pour S. Allen, le musicien représente un prototype tout à fait intéressant pour étudier ce phénomène de mémorisation. Lorsque le cerveau du musicien enregistre les informations à traiter concernant ces deux morceaux, il n’a pas la capacité de le faire « bien », il effectue une sélection, et c’est là que le sommeil joue un rôle important.
Pendant une épreuve d’apprentissage, la zone du cerveau activée lors de l’entraînement diurne est à nouveau activée durant la phase de sommeil consécutive. Mais le cerveau effectue une sélection dépendante des choix stratégiques d’entraînement. Le sommeil joue un rôle de réactivateur et de stabilisateur mémoriel en se focalisant et en sélectionnant les informations.

Dans le sommeil, le musicien rejoue le morceau « in imagine » dans le cerveau, c’est la raison qui fait que les performances sont améliorées de 10 à 13 % après une bonne nuit de sommeil. Mais cela est dépendant des modes d’apprentissage. Ainsi, l’amélioration est constatée après une nuit de sommeil dans la première situation expérimentale, où un seul morceau a été répété, et des baisses de performance sont éventuellement constatées lorsqu’on introduit un nouveau morceau, selon la stratégie utilisée :

  •   Une baisse de la performance est constatée le lendemain, lorsque les deux morceaux sont joués la veille successivement. Le deuxième morceau surcharge les capacités du cerveau et crée des interférences dans le processus de mémorisation.
  •   Une augmentation de la performance est constatée le lendemain, lorsqu’après avoir joué le deuxième morceau, le pianiste revient au premier morceau ; dans ce cas, il y a un nouvel ancrage mémoriel qui peut être mieux mis à profit durant le sommeil où une sélection optimale va être effectuée avec un minimum de parasitage.

Ces résultats sont étonnants et devraient conduire à réflexion pédagogique à deux niveaux.

  •   L’importance de la méthodologie et le séquençage des apprentissages. Généralement, les musiciens, mais aussi les autres apprenants dans d’autres disciplines artistiques ne travaillent pas qu’un seul morceau ou figure durant la journée. Les multiples informations sont emmagasinées et sélectionnées efficacement ou pas. Peut-être faudrait-il avant d’aller se reposer et de dormir, après avoir répété durant la journée de multiples séquences de jeu, revenir sur le passage délicat afin que le sommeil vienne faire son œuvre en capitalisant le travail de la veille.
  •   L’importance du sommeil et de l’hygiène de vie. Le sommeil n’est pas un phénomène passif où nos fonctions sont au repos. C’est une phase de notre vie où d’autres processus sont à l’œuvre. Le sommeil conditionne aussi la qualité et l’habileté du performer, ses capacités mémorielles, tout ce qui conditionne la performance de l’artiste. Le sommeil vient consolider ce qui a été appris dans la mesure où des stratégies optimales ont été mises en place. Si les orientations pédagogiques sont à confirmer dans des expériences futures, le sommeil et son rôle sur le renforcement des apprentissages reste une donnée suffisamment fiable pour que l’ensemble des acteurs, professeurs, parents d’élèves, élèves, et les artistes eux-mêmes privilégient l’hygiène de vie et la qualité du sommeil afin de favoriser les apprentissages artistiques.

Mémoire, Information complémentaire

La Mémoire chez le musicien©

La mémoire est un processus complexe. De manière schématique, on distingue trois catégories temporelles de mémoires :
La mémoire sensorielle qui permet dans un temps relativement bref (200 millisecondes à 3 secondes) d’emmagasiner les informations sensorielles (visuelles, auditives, etc.) afin de traiter l’information. Ce processus ne nécessite pas d’attention particulière car le stockage est automatique. Si l’on veut utiliser ces informations de manière consciente, elles vont passer alors dans la mémoire à court terme et persister ainsi durant une courte durée (<1 minute).
La mémoire de travail, ou mémoire à court terme permet la mémorisation des informations au cours de la réalisation de tâches. Par exemple, se rappeler dans l’immédiat un numéro de téléphone. Ces informations seront éventuellement ensuite stockées dans la mémoire à long terme pour un stockage durable.
Une fois stockées dans la mémoire à long terme, les informations peuvent se maintenir durant une longue période, parfois toute la vie.
La mémoire à long terme se répartit en différents types de mémoire ;on décrit habituellement deux types fondamentaux de mémoire : la mémoire explicite ou déclarative et la mémoire implicite ou non déclarative qui comprend la mémoire procédurale si importante pour les artistes. Cette mémoire permet par exemple de jouer du piano en s’appuyant sur l’expérience en relation avec les automatismes sensitivo-moteurs.

Rédacteur Docteur Arcier, président fondateur de Médecine des arts®
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Bibliographie

[1] Allen Sarah E. Memory stabilization and enhancement following music practice. Psychology of Music, November 2013 vol. 41 no. 6, 794-803

 


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