Bonjour
Batteur et percussionniste, j’ai travaillé aussi longtemps en studio son. Je souffre d’une hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible accompagnée d’acouphènes. Les tests audiométriques mettent en évidence une perte auditive de 17 db à droite et 22 dB à gauche, principalement à 4000 Htz. Mon médecin généraliste m’a mis en arrêt pour maladie professionnelle.
J’ai plus de 60 ans et je souhaite si je bénéficie d’une maladie professionnelle, de pouvoir partir à la retraite (à taux plein), mais le médecin de la caisse d’assurance maladie m’indique que ce problème auditif ne peut pas être pris dans le cadre d’une maladie professionnelle au titre du tableau 42. Pouvez-vous me conseiller à ce sujet ? Un recours auprès de la CCRMP (comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles) aurait-il une chance d’aboutir ?
Par ailleurs, je souffre de problèmes ostéo-articulaires qui rendent difficile mon activité de percussionniste du fait des montages, démontages et déplacements du matériel dans ma pratique de batteur et un départ à la retraite me permettrait d’éviter ce type de problème et serai un soulagement.
M.L
Batteur et percussionniste de 60 ans, hypoacousie et douleurs musculo-squelettiques. Maladie professionnelle, départ anticipé ?
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par M.L.
22/11/2014 à 21:14
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par Docteur Arcier
22/11/2014 à 21:22Bonjour,
Vous posez une question qui dépasse largement la problématique du problème auditif, et qui pourrait se résumer au départ à la retraite anticipée du fait de problématique de santé. Une réponse globale sur le thème d’un départ anticipé à la retraite est une question particulièrement complexe, aussi en première intention nous allons porter notre attention sur la notion de maladie professionnelle et d’affection de l’audition.
• Premièrement vous indiquez que vous avez été exposé aux risques auditifs en tant que batteur/percussionniste, et travail en studio.
• Deuxièmement, vous mentionnez une perte auditive de 17 db à droite et 22 db à gauche
Ce qu’il faut bien saisir sur le plan des maladies professionnelles, c’est que celles-ci répondent concernant leur reconnaissance à un cadre légal défini par des tableaux de maladies professionnelles qui ont établi des critères précis en vue de bénéficier de la maladie professionnelle sur la base d’une présomption d’origine (c’est-à-dire que dans ce cas le bénéficiaire n’a pas à établir le lien causal).
Le tableau définit d’une part :
• une liste limitative de travaux susceptibles de provoquer ces maladies. Pour revenir à votre question, strictement les travaux que vous indiquez n’en font pas partie, mais déjà des reconnaissances ont été faites pour des percussionnistes (il existe la notion de « travaux sur métaux par percussion), même s’il ne s’agit pas de travaux de type industriel. Donc a priori cette condition-là serait à mon avis remplie dans la mesure où l’activité était bien présente et le délai de prise en charge respecté.
• Le délai de prise en charge pour cette affection est d’un an. Le délai de prise en charge correspond à la durée maximale entre la cessation de l’exposition et la survenue de la maladie.
• Enfin, l’affection doit être notifiée sur le tableau, en l’occurrence l’hypoacousie existe bien dans le tableau. Mais elle doit correspondre elle aussi à des critères précis, que l’on a dû vous indiquer, dont un des principaux est le niveau de déficit ; celui-ci a été défini par le législateur par au moins 35 db sur la meilleure oreille. Concernant ce critère, même si vous avez une hypoacousie, celle-ci est très éloignée du critère légal pour donner accès à la maladie professionnelle.
L’arrêt maladie concernant la maladie professionnelle du tableau 42 à mon avis ne pourra par ailleurs pas être reconduit, du moins si la Caisse régionale maladie vérifie ce point. Sur le strict plan professionnel, on comprend d’une part les difficultés que vous pouvez rencontrer. Mais il aurait été judicieux de voir votre médecin du travail, très au fait de la notion de maladie professionnelle et qui aurait pu vous aider techniquement vis-à-vis de ce dossier et également rechercher les solutions alternatives sur le plan préventif dans la mesure du possible.
Vous évoquez le recours possible au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. A mon avis, ce recours n’aboutira pas (ce n’est pas une raison pour ne pas le tenter, mais il faut s’attendre à un échec) car la notion même de maladie professionnelle n’est pas remplie.
Les dossiers adressés aux CRRMP, au titre du 3° alinéa de l’article L. 461-1, sont ceux pour lesquels le titre du tableau et les critères de désignation des maladies sont respectés, mais pour lesquels une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la limite limitative des travaux ne sont pas remplies. Dans votre dossier, le problème est que les critères de désignation de la maladie ne sont pas respectés (déficit d’au moins 35 db).
De toute manière pour constituer ce dossier, il vous faut notamment « un avis motivé du médecin du travail », donc c’est une raison supplémentaire de le rencontrer.
Le médecin de l’assurance maladie a sur ce point raison, et l’argument de la Carsat est uniquement administratif et général et ne tient pas compte de votre cas médical spécifique et des critères de votre maladie vis-à-vis de sa reconnaissance comme maladie professionnelle et ne correspond donc pas à la réalité objective de votre dossier.
En résumé, il me paraît que la maladie professionnelle sur les bases que vous donnez concernant le tableau 42 ne sera pas retenue.
Mais, je vous indiquai au début de ce mail que la question générale de départ anticipé à la retraite, au-delà de cette question de maladie professionnelle, est plus complexe et qu’il vous faut l’étudier de manière complémentaire (notion d’inaptitude au travail par exemple, avec une étude précise des droits contingents).
Je comprends devant « l’usure au travail » que l’on éprouve le désir d’un départ anticipé. Mais les textes de droit sont implacables concernant la législation des maladies professionnelles. J’espère que cette longue réponse vous a éclairé, même si elle n’apporte pas une issue positive à votre problème personnel.
CordialementDr André-François Arcier
Association Européenne Médecine des Arts®