Tabac. Brèves sur le tabac
Le cerveau du fumeur
Chez des fumeurs victime d’une atteinte d’une zone très précise du cortex cérébral, l’insula ou île de Reil, l’arrêt du tabac est plus facile, rapide et sans rechute, que pour les personnes non atteintes.
« Les chercheurs savaient que les phénomènes addictifs se manifestent parce que certains centres et circuits cérébraux s’adaptent au long cours à l’imprégnation par des drogues. Ainsi, les amygdales cérébrales ou le télencéphale sont chez l’animal des zones qui favorisent l’autoadministration de substances.
Des images fonctionnelles du cerveau de sujets exposés à des drogues montrent une activation de plusieurs zones du cortex, cette couche de substance grise qui recouvre la substance blanche du cerveau de certaines espèces (dont) l’homme. Et parmi ces zones, c’est l’insula qui retient toute l’attention des chercheurs : elle est mise en jeu lors des émotions conscientes. Lorsque cette zone présente une forte activité lors d’une simple tâche (prise de décision), chez des sujets toxicomanes, ils ont un risque élevé de rechutes.
Centre de la dépendance subjective aux drogues
La question que s’est alors posée le chercheur Antoine Bechara (université de Californie du Sud) a été la suivante : l’insula est-elle nécessaire au maintien de l’addiction au tabac ? Si c’est le cas, lors de la destruction ou de lésion de l’insula, on devrait observer un arrêt de la dépendance à la nicotine… Le chercheur a donc identifié 19 fumeurs qui avaient eu une destruction cérébrale comprenant l’insula de l’hémisphère droit ou gauche (c’est une zone très enfouie dans le cerveau)
Pour comparaison, les chercheurs ont également recruté un groupe témoin de 50 fumeurs (plus de 5 cigarettes par jour depuis plus de 2 ans) ayant eu des lésions d’autres zones cérébrales. Bien entendu, une attaque cérébrale quelle qu’elle soit, est un événement suffisamment grave pour convaincre un fumeur d’arrêter sans que le mécanisme de sa dépendance soit forcement perturbé ! Les chercheurs ont donc décidé qu’il y avait une vraie et brutale rupture de la dépendance s’ils avaient arrêté moins de 24 heures après la destruction de leur insula, s’ils n’avaient pas rechuté ensuite, s’ils avaient cessé de fumer sans effort et s’ils ne ressentaient aucun phénomène de manque. Sur les 19 fumeurs du groupe identifié au départ, 16 réunissaient tous ces critères et avaient arrêté de fumer, alors que dans le groupe de 50 sujets ayant des lésions d’autres zones du cortex, 37 n’ont pas cessé de fumer.
Bien sûr, Antoine Bechara admet des imperfections dans son étude : « Dans notre échantillon, les patients ayant des lésions de l’insula avaient aussi des destructions des régions cérébrales adjacentes. » Autrement dit, les effets observés étaient-ils nécessairement dus à la lésion insulaire, ou à la conjonction de plusieurs atteintes ? Cette dernière hypothèse est possible, mais peu probable, concluent les chercheurs. « Et les lésions de cette zone modifient aussi l’appétit, la prise de décision. C’est une zone dangereuse, dont les chirurgiens se tiennent respectueusement à distance. Et des lésions pures de l’insula sont rarissimes, elles touchent aussi des zones de la mémoire, de l’expression des sentiments », explique le Professeur Marc Tadié (CHU Bicêtre).
Schéma de l’insula
C’est une preuve que l’insula est le centre de la dépendance subjective aux drogues. C’est une preuve supplémentaire que ces phénomènes subjectifs sont nécessaires au maintien d’une dépendance addictive.
Le figaro Vendredi 26 janvier 2007