La coordination, l’indépendance des mains. Chronique d’un professeur de piano N°6

Pour les élèves plus avancés, un autre problème se pose, le manque d’habileté de la main gauche (le mot gauche, « senestris » en latin a souvent une conotation négative, ne dit-on pas « avoir deux mains gauches » ?). Dans ce cas, deux possibilités. Soit la main gauche est moins véloce que la droite, dans ce cas quelques exercices ou traits techniques seront à travailler main gauche seule. Soit on perçoit le problème dans sa globalité sans bien le cerner : le jeu aux deux mains manque de précision, de finesse car la main droite est instable dans le « mains ensembles ». Seule, elle passe, mais quand on assemble les deux, elle n’est plus assez précise car elle est déséquilibrée par la main gauche pas assez solide.
C’est dans ce cas un problème d’écoute et de conscience. Pour que la main droite soit libre d’évoluer, il faut qu’elle soit soutenue par une main gauche inébranlable mais discrète (sa tessiture étant plus sonore). La main gauche doit avoir sa musicalité propre, même si elle accompagne. Selon Brigitte Bouthinon Dumas : « Le but de l’indépendance des mains c’est au final d’unifier, rassembler, sentir un message sonore réparti entre ces deux mains, l’intégration mutuelle des deux mains est le garant d’un jeu équilibré ».

Doit-on pour ce résultat travailler beaucoup mains séparées ? Je n’ai pas d’avis tranché. Chacun a des besoins différentes. Au stade déchiffrage, un peu de mains séparées est indispensable vu le peu de pratique de lecture des élèves. Cependant, quand cela est possible, j’essaie d’introduire rapidement le « mains ensembles ». C’est important d’entendre l’oeuvre dans sa globalité. Je reviens sur le mains séparées plus tardivement, et seulement de façon partielle, en fonction des problèmes rencontrés. Cependant, certains ont besoin d’une longue pratique mains séparées, il faut le respecter, c’est aussi fonction de l’oreille plutôt mélodique ou polyphonique. Tous les cerveaux ne fonctionnent pas de la même façon.

Le travail technique mains séparées est souvent mis en place en cours pour que l’élève n’aie plus qu’à le répéter, car il est assez difficile de cerner un problème. L’élève seul ne comprend pas pourquoi cela ne passe pas malgré la répétition, ce n’est pas de la mauvaise volonté, c’est le rôle du prof de l’aider à dépasser cette difficulté sans le culpabiliser. Les adultes ont souvent encore plus de mal sur ce point que les enfants. Découper le travail, mettre le doigt sur le problème (sans mauvais jeu de mot), cela s’acquiert au fil du temps, ce n’est pas inné. Travailler efficacement et consciemment demande plus de patience que de répéter mécaniquement mais le résultat est bien meilleur et c’est un moyen d’économiser son corps.

Rédactrice : Patricia Cousin. Professeur de piano
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