Après une dystonie, un musicien hautboïste revient jouer en orchestre

« Le diagnostic de dystonie de fonction était comme une condamnation à mort », raconte Alex Klein. « La dystonie avait supprimé tout ce que je savais de moi-même, ce fut une perte totale d’identité, subitement, je n’étais plus Alex Klein, musicien professionnel de l’orchestre symphonique de Chicago. » « Tout ce que je croyais exister n’existait plus. Et au sein de tous ces événements, mon épouse m’a quitté. »

J’ai quitté Chicago raconte le musicien sans rien, « tout juste avec ma chemise sur le dos ». Les conditions médico-légales des musiciens aux Etats-Unis ne sont pas celles des musiciens européens. Sans emploi, sans aide, quasiment sans abri. Alex Klein revient dans la famille de ses parents au Brésil. « Ce fut le moment le plus déprimant de ma vie, dit-il, je n’avais rien à faire et nulle part où aller. Je suis resté assis sur le canapé pendant des mois. »

Cette phase d’effondrement de soi, parfois de dépression grave, comparable à un burn-out, est fréquente chez le musicien touché par la dystonie dans ces circonstances. La pratique de l’instrument de musique est profondément ancrée dans l’identité du musicien. 10000 à 15000 heures de pratique précèdent l’émergence de la dystonie de fonction du musicien. La dystonie survient lorsque le musicien a atteint un haut niveau dans sa pratique et la musique tient une place importance dans la vie professionnelle et affective du sujet.

Comme c’est souvent le cas, les collègues de l’orchestre n’ont pas vu la gravité du problème. Le niveau élevé du musicien a permis d’ailleurs pendant longtemps de compenser le désordre du mouvement, jusqu’au moment où la pratique à ce niveau est devenue impossible.

Comment c’est généralement le cas, Alex Klein a rencontré plusieurs dizaines  de médecins, entrepris de nombreux traitements conventionnels et alternatifs. Tenté de nombreuses expériences techniques. Mais en vain.

S’investir dans les soins de la dystonie et dans le même temps réinvestir dans le quotidien et ce qui fait l’essentiel de la vie en dehors même de « l’aspect musical » est un enjeu pour le musicien qui a une dystonie. Le sujet est plus que le musicien et c’est un long chemin pour reconquérir ce qui reste de « soi » dans cette maladie qui foudroie en partie la personnalité.
Tous les exemples de musiciens que nous suivons montrent que, quelle que soit l’issue thérapeutique, le sujet n’en sort pas indemne, mais tout de même grandi, lorsqu’il comprend qu’un musicien est plus qu’un instrumentiste et qu’il reste musicien malgré la dystonie.