La femme qui ignorait la peur

 Et si les artistes ne connaissaient pas la peur ?

Madame S.M ne connaît pas la peur. cette Américaine de 30 ans est en tout cas incapable de la lire sur un visage humain. De même qu’elle est incapable d’interpréter une expression "négative" comme la colère ou le dégoût. Cette femme normalement intelligente ne sait pas reconnaître un visage critique ou agressif : handicap très lourd dans ses relations personnelles aussi bien que sociales. Aucun problème en revanche pour identifier la joie, émotion "positive". S.M est atteinte de la maladie d’Urbach-Wiethe, une affection très rare qui détruit l’amygdale, petite structure du cerveau ayant la taille et la forme d’une amande, petite structure du cerveau ayant la taille et la forme d’une amande. C’est en testant cette malade que le psychologue Ralph Adolphs et le neurobiologiste Antonio Damasio, de l’Université d’Iowa, ont découvert du nouveau sur les fonctions de l’amygdale (Nature le 15/12/94).
Pour évaluer les capacités et les déficits de leur patiente, les chercheurs lui on montré des photos de visages connus et des photos de visages exprimant différentes émotions : joie, surprise, peur, colère, ou tristesse.
S. M identifie comme tout un chacun un visage comme ou une expression de joie. Mais le visage d’une femme hurlant de peur l’a plongée dans des abîmes de perplexité : "qu’est-ce qu’elle fait ?, a-t-elle demandé.
L’amygdale, jusqu’à présent considérée comme une zone carrefour reliant le cortex (chargé des opérations conscientes) à d’autres régions du cerveau qui contrôlent les réponses émotionnelles du corps (transpiration, rythme cardiaque…), semble donc plus spécifiquement impliquée dans le traitement de la peur et des émotions négatives.
Selon Damasio, ces résultats concordent avec ceux obtenus par l’expérimentation animale : des chats auxquels on avait retiré l’amygdale restaient passablement impavides face à des stimuli effrayants.
Pourquoi ce statut particulier de la peur parmi les autres émotions ? La encore, Damasio propose une interprétation intéressante, même si elle ne fait pas l’unanimité. Il affirme que, la peur étant essentielle à la survie de l’individu, il est tout à fait compréhensible qu’au cours de l’évolution un système spécial pour la prendre en charge se soit élaboré.
Quant à la région du cerveau qui permet de reconnaître les émotions positives, elle n’est pas encore découverte… si jamais elle existe. "Nous n’avons pas encore rencontré un visage heureux, constate Adolph.
L’amygdale est également impliqué dans cette émotion que craigne de nombreux artistes du spectacle vivant, le trac. Il s’agit pourtant d’une structure indispensable à la relation à l’autre, et si on peut parfois déplorer qu’elle soit hypersensible chez certain, c’est aussi une grande chance de pouvoir reconnaître et partager des émotions, c’est certainement une des spécificités du spectacle vivant.

Docteur Arcier André, président fondateur de Médecine des arts®
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Libération 17 janvier 1995.
Le trac, le comprendre pour mieux l’apprivoiser, docteur Arcier, Ed. Alexitére.

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