Tremblement des mains chez un musicien
Tremblement essentiel, une pathologie d’origine inconnue. Le tremblement se manifeste dans le maintien de l’attitude et dans l’action et peut avoir des conséquences redoutables dans certaines pratiques artistiques
Cas clinique
Laurent est un musicien, violoniste de 32 ans ; depuis une dizaine d’années, il a constaté qu’il avait un tremblement des membres supérieurs, notamment des doigts, qui devenait progressivement de plus en plus gênant dans sa pratique musicale. Il a décidé de faire le point sur ce trouble et demander notre avis dans le cadre de la consultation pluridisciplinaire du musicien que nous avons mise en place.
Consultation
A l’interrogatoire
Laurent confirme que les tremblements sont apparus il y a quelques années, mais la gêne a été progressive. Aujourd’hui, ce trouble le met en difficulté dans sa pratique musicale. Le musicien ne signale aucun antécédent particulier et ne souffre pas de pathologies connues particulières.
Par contre, il indique que ce trouble se majore en situation de stress et émotionnellement fortes. De ce fait, le trac est un élément qui aggrave cette sémiologie.
L’interrogatoire permet de dévoiler que son père, non musicien, souffrait du même trouble, mais en était finalement peu gêné et n’avait engagé aucun traitement sur ce point.
A l’examen clinique
Le tremblement se manifeste dans le maintien de l’attitude et dans l’action. Ainsi, lorsque Laurent tend le bras, les doigts écartés, les tremblements des doigts sont manifestes, peut-être plus évidents à gauche qu’à droite. Il ne présente pas de tremblement au repos, ni dans aucun autre territoire que les extrémités des membres supérieurs.
L’examen neurologique est par ailleurs normal et on ne retrouve pas d’akinésie, pas d’hypertonie (qui pourrait être en faveur d’un début de syndrome parkinsonien).
Laurent ne prend pas de traitements susceptibles d’entraîner des tremblements et ne présente pas de pathologie comme une hyperthyroïdie ou d’autres troubles pouvant entraîner des tremblements d’attitude. A l’instrument, les tremblements des doigts de la main gauche perturbent le jeu, entre autres, avec une difficulté de tenir des harmoniques.
Les signes cliniques sont en faveur d’un diagnostic de tremblement essentiel.
Le diagnostic
Il est avant tout clinique, mais il peut être utile ou nécessaire d’étudier les diagnostics différentiels.
La question diagnostique peut se poser par rapport à un tremblement physiologique accru avec les émotions, un tremblement dit de repos chez un sujet présentant un tremblement postural de longue date, étiqueté essentiel. L’exploration neurophysiologique, accélérométrique et électromyographique peut être utile.
Selon François Cassim, neurophysiologiste, l’électromyographie de surface est le seul moyen de savoir si un muscle est au repos, et donc s’il s’agit d’un autenthique tremblement de repos ou, cas le plus fréquent, d’un pseudotremblement de repos lié à un mauvais relâchement musculaire. _ L’EMG permet également d’identifier des bouffées myocloniques ou des périodes de silence musculaire en position mains tendues, suggérant alors un tremblement myoclonique et vraisemblablement cortical. Enfin, couplé aux manœuvres cliniques adéquates, l’EMG peut orienter vers un tremblement psychogène ou un tremblement primaire de l’écriture.
Stratégies thérapeutiques et conseils
Les causes du tremblement essentiel ne sont pas connues et le traitement actuel est symptomatique.
Le propranolol (béta-bloquant) est le traitement le plus utilisé pour la prise en charge de ce trouble et le mieux évalué. Il permet une diminution de l’amplitude du tremblement d’environ 50 % avec une action prédominante au niveau segmentaire et un effet moindre sur le tremblement de la tête. Le traitement est prescrit dans le respect des contre-indications éventuelles. La dose sera mise à l’essai en recherchant la plus petite dose pour l’effet désiré sans dépasser les 100 mg/j en général ; la dose de 40 mg peut être suffisante (voire moins). Le médicament est à essayer en situation neutre (en dehors de la pratique ou à l’occasion d’une répétition, par exemple). Une discussion peut être menée sur une prescription quotidienne ou pas, avant ou pas simplement des événements plus stressants et où l’enjeu de la précision du geste est important. On peut faire le choix également chez un musicien dont la pratique est quotidienne d’utiliser par exemple le traitement à la dose de 20mg/jour à 40 mg/j ; le traitement peut être pris en tenant compte du moment de la pratique afin que la période la plus efficace se situe durant le jeu (2 h avant environ). L’avantage d’une dose quotidienne est de développer de manière plus globale et continue le sentiment de confiance dans le geste, quotidien ou professionnel. La posologie pourra être adaptée par exemple en fonction du travail réalisé en thérapie cognitive et comportementale et des résultats obtenus et désirés.
Dans cette situation particulière, où la pratique musicale revêt une importance primordiale pour ce musicien, il nous semble utile que ce musicien puisse dans le même temps suivre un traitement psycho-cognitif afin que les aspects anxieux inhérents à la situation scénique soit gérés au mieux et que le stress scénique et les émotions ne soient pas un facteur aggravant du tremblement.
Le musicien sera revu dans 6 mois afin d ‘apprécier les résultats de ces conseils
A noter
D’autres traitements chimiques (la primidone - Mysoline - problème fréquent de tolérance -, la gabapentine, le Gardénal) ont été préconisés dans le tremblement essentiel, mais ne seront pas conseillés à Laurent.
Il faut noter également qu’il existe des traitements chirurgicaux (stimulation cérébrale profonde) pour des cas graves, mais qui ne sont pas en relation avec la situation de ce musicien, d’autant que pour le moment ces traitements sont réservés à de rares cas et en général plutôt dans les cas de Parkinson avec des troubles sérieux.
Rédacteur Docteur Arcier André, Président fondateur de Médecine des arts®
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