Plasticité cérébrale, apprentissage et dystonie de fonction
Le cerveau en mouvement
Chez le violoniste par exemple, les examens d’imagerie par résonance magnétique permettent de constater que les exigences asymétriques au niveau des mains et des doigts
Plasticité extrême du cerveau du musicien
Le cerveau est un système dynamique, qui a la capacité de s’auto-organiser. Il se réorganise en permanence. L’entraînement, d’une pratique motrice par exemple, va modifier le cerveau.
Le jeu d’un instrument de musique impose la répétition fréquente et quotidienne de gestes moteurs. Ceci est vrai pour toutes les pratiques, mais rares sont celles dont le geste est aussi précis, répété parfois à des vitesses extrêmes, et cela durant des mois et des années.
Cette stimulation répétée va entraîner des modifications cérébrales au niveau des zones sensorielles. Chez le violoniste par exemple, les examens d’imagerie par résonance magnétique permettent de constater que les exigences asymétriques au niveau des mains et des doigts notamment vont développer de la même manière de façon asymétrique ces zones sensorielles et accorder à la représentation des doigts les plus actifs une zone plus large. [1]
Lors d’une expérience visant à étudier le cortex somato-sensoriel en réponse à des stimuli légers des extrémités des doigts, l’examen comparatif de violonistes avec des sujets non musiciens met en évidence que la région du cortex activée chez les violonistes est bien plus grande que celle des sujets non musiciens. L’auriculaire gauche notamment est singulièrement augmenté chez ces musiciens. La représentation corticale des doigts de la main droite ne présente pas par ailleurs de différences notables.
Cette plasticité cérébrale est remarquablement développée chez les enfants, mais aujourd’hui les neurologues constatent que cette plasticité est retrouvée également chez les adultes, même si c’est à un niveau nettement plus réduit.
Les recherches similaires faites chez des sujets ayant une syndactylie montrent que la représentation cérébrale de ces sujets n’est pas organisée de manière somatotopique. La séparation chirurgicale des doigts développe en quelques semaines une différenciation de la représentation cérébrale des doigts.
Cette plasticité est une capacité adaptive qui n’est pas propre à l’espèce humaine, on la retrouve également chez les animaux. Mais cette plasticité engagée pour la pratique d’un art lui est propre.
"Le moment magnétique, généré par les neurones lorsque l’extrémité de l’auriculaire est stimulée, est représenté en fonction de l’âge du début de la pratique. L’amplitude des réponses à la stimulation de l’auriculaire est significativement plus petite pour les sujets témoins que pour les musiciens" [2]. Commencer avant 12 ans l’apprentissage de la musique génère une augmentation importante du moment bipolaire.
Le nombre de dentrites actifs estimés au niveau du cortex lors de l’activité de l’auriculaire gauche est dépendant :
- d’une part de l’activité ; les musiciens ont un nombre de dentrites actifs bien plus élevés que les non musiciens ;
- d’autre part chez les musiciens ce nombre est nettement plus élevée que le musicien a commencé son apprentissage précocement.
- Les non-musiciens ont lors de la stimulation de l’auriculaire gauche un nombre de dentrites actifs d’environ 25 000 à 40 000 pour les meilleurs résultats.
Les musiciens commençant leur pratique autour de 12 à 13 ans ont pour leur part un nombre de dentrites actifs de 50 000 environ. Par contre les musiciens qui apprennent à jouer de la musique vers 5 ans ont un nombre de dentrites de 75000 environ. Ce même nombre est retrouvé en plateau pour les enfants qui commencent avant l’âge de 12 ans. L’entraînement précoce donne donc aux musiciens une sensibilisation neuronale majeure pour la pratique apprise.
De la plasticité cérébrale à la dystonie de fonction
Cette adaptation à des conditions motrices extrêmes offre de nombreux bénéfices, pourtant c’est peut-être là que réside également la potentialité d’un trouble fonctionnel majeur chez le musicien, la dystonie de fonction. On a pu retrouver chez les musiciens victimes de ce trouble, des chevauchements des zones corticales qui représentent les doigts touchés par la dystonie de fonction.
D’énormes progrès ont été faits dans la prise en charge des musiciens dystoniques. Mais la compréhension de la physiopathologie reste encore balbutiante. Les recherches sur la plasticité cérébrale sont nécessaires pour mieux connaître les capacités d’apprentissage, et de nombreux phénomènes neuro-moteurs et des affections telles que la dystonie de fonction.
Rédacteur Docteur Arcier André, président fondateur de Médecine des arts®
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Bibliographie
[1] A. Engelien, T. Elbert, C. Pantev. Le cerveau du musicien. Organisation specialisée des régions consacréees à l’audition et au toucher. Revue médecine des arts, n°28
[2] Thomas Elbert, Brigitte Rockstroh. Une empreinte dans le cortex des violonistes. La Recherche, juillet-août, 1996
En savoir plus sur la dystonie de fonction
On nomme souvent cette dystonie focale crampe du musicien en comparaison avec la crampe de l’écrivain, mais cette dénomination est fausse. Dans les deux cas, musicien et écrivain, il ne s’agit pas d’une crampe. Les crampes ( crampes musculaires ) diffèrent autant sur le plan clinique que des mécanismes physiopathologiques, et que du pronostic ).
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