Piano : l’école russe. Chapitre 7
La grande histoire du piano russe
Contrairement à ce qui s’est passé en France, l’école russe est dès ses débuts, ouverte aux apports extérieurs.
La grande histoire du piano russe
Jusqu’à la moitié du XIXe siècle, la manière dont on joue et dont on enseigne le piano en Russie est à l’image de ce que l’on peut entendre dans les autres pays européens. En 1802, John Field décide de s’installer à Saint-Pétersbourg à la suite d’une tournée de Clémenti, son maître. Leschetizky arrive en 1849.
Le grand pédagogue polonais passera 29 ans en Russie à prêcher pour une technique plus naturelle. Ce n’est pas par hasard qu’Anton Rubistein l’intègre en 1861 dans sa première équipe du Conservatoire qu’il vient de créer à Saint-Pétersbourg. C’est à ce moment que débute vraiment la grande histoire du piano russe.
Le Conservatoire de Saint-Pétersbourg
Le Conservatoire de Saint-Pétersbourg est donc créé par un pianiste, en la personne de Anton Rubinstein, lequel lui assigne une mission essentiellement musicale (et non politique comme cela a été le cas du Conservatoire de Paris). Sa philosophie consiste d’abord à propager l’enseignement musical dans toutes les Russies. Son frère Nicolaï ne tarde pas d’ailleurs à ouvrir celui de Moscou, 4 ans plus tard. L’école de piano d’Anton est avant tout une école du son, mais aussi du chant, de la personnalité et de la liberté de style. Il enseigne aussi à ses élèves le respect de la partition et la fidélité au texte, même si lui-même s’autorise quelques incartades, notamment en matière de variations de tempo. Anton Rubinstein est un génie et un visionnaire qui profite de son cosmopolitisme pour prendre ce qu’il y a de mieux ailleurs. Il est ce que l’on peut appeler un vrai Européen, avec ses ascendances française, polonaise et allemande.
Rubinstein montre aussi qu’il sait s’entourer des meilleurs. Alexandre Villoing, en tant qu’ancien élève de John Field, fait preuve d’un rationalisme de bon aloi, et ses Exercices pour le piano deviennent le Baedecker du piano russe : ils serviront de méthode pour les professeurs de Saint-Pétersbourg et de Moscou.
L’intégration des meilleurs professeurs de piano
En parallèle, l’école russe s’enrichit de ses contacts avec l’école de Liszt. Après avoir passé trois années à Weimar avec l’abbé, Alexandre Siloti est nommé professeur au conservatoire de Moscou en 1888 : son élève le plus célèbre n’est autre que Serge Rachmaninov, son cousin.
Bien qu’il y ait toujours eu une certaine rivalité entre Saint-Pétersbourg et Moscou, cela n’apparaît pas vraiment du vivant des frères Rubinstein, du fait de l’élan qu’ils donnent à l’organisation des deux conservatoires et aussi du fait des apports extérieurs. A la mort d’Anton en 1894, et par la suite, le fossé va se creuser entre les deux établissements avec en plus la contagion de l’esprit nationaliste qui souffle à l’époque sur toute l’Europe. La révolution communiste de 1917 met fin aux querelles de chapelle et le choix de Moscou comme centre artistique principal fera de son conservatoire la "alma mater" de toute la génération de pianistes suivants.
Une école russe de piano aux États-Unis
En parallèle, une autre école russe se formera aux États-Unis autour des painistes de la diaspora comme Josef Hofmann et Josef Lhévinne. Avec Heinrich Neuhaus, la Russie compte un autre père du piano moderne. Il est né en 1888, soit 13 ans après Golden Weiser et a eu lui aussi plus d’une centaine d’élèves. Comme Anton Rubinstein, il possède les avantages d’une éducation multi-culturelle issue de la "mitteleuropa" musicale. Plus qu’un professeur, Neuhaus est une personnalité qui rayonne par ses qualités humaines et sa culture qui embrasse tous les arts, de la poésie à l’architecture et de la peinture à l’art dramatique. A l’image de l’école russe, il reprend à son compte tout ce qui s’est fait de mieux dans l’art du piano : la fidélité au texte et le polissage du son de Godowsky, la position naturelle des doigts et l’abord physiologique du clavier préconisé par Chopin, sans parler de la rigueur allemande issue de Barth ou de Von Bülow.
Bien que protéiforme, l’école russe qui a engendré autant d’excellents pianistes se reconnaît à son tempérament. Entre le pâteux germanique et la sécheresse française, le toucher des pianistes russes apparaît comme étant le plus équilibré. Il habite le son avec un grand sens de l’improvisation et une liberté qui appartient aux seuls Slaves.
Nous allons quitter maintenant le continent européen pour nous intéresser à l’introduction du piano en Amérique, et aux conséquences musicales que cela a impliqué, celles-ci étant liées aux phénomènes de société.
Rédaction. Marc Papillon, Clinique du Musicien, Catherine Bros, professeur de piano.
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