La musique les indiffère
Le non plaisir en musique
Anhédonie à la musique, la musique source de plaisir, mais pas pour tout le monde !
Freud et son non-désir pour la musique
Dans une lettre à Marie Bonaparte, Freud se décrit comme un « ganz unmusikalischer Mensch », un « être totalement amusical ». La relation particulière de Freud vis-à-vis de la musique est bien connue et a été relatée dans de nombreux ouvrages. Un de ses disciples, Eduard Hitschmann, affirme que « la musique ne l’intéressait pas, parce qu’il la considérait comme un langage inintelligible ».
Freud n’était pas au sens où on l’entend habituellement amusique, il paraissait simplement se désintéresser de la musique tout en ayant un intérêt pour les musiciens, dont certains faisaient partie de sa patientèle. Max Graf (critique musical, dont le fils « le petit Hans » suivait une psychanalyse et dont le cas clinique a été rapporté dans l’étude célèbre sur la phobie) écrira : « Freud n’était pas musicien, et le regrettait, mais il aimait dialoguer avec des musiciens qui lui ouvraient un champ non familier. » [1]
La musique, source de plaisir, mais pas pour tout le monde !
« La musique a été présente dans toutes les cultures humaines depuis la préhistoire, même si elle n’est pas associée à des avantages biologiques apparents (comme la nourriture, le sexe, etc.). Néanmoins la musique est classée parmi les sources de plaisir les plus élevées et son rôle important dans notre société et dans la culture a conduit à l’hypothèse que la capacité de la musique à induire le plaisir était universelle.
Universelle, elle l’est vraisemblablement si on considère les populations dans leur globalité, mais sur le plan plus individuel, cette notion n’a jamais été testée empiriquement. Une équipe de chercheurs [2] a développé un questionnaire permettant d’évaluer le plaisir éprouvé par des auditeurs à l’écoute de la musique. Ils ont ensuite sélectionné une série de 30 sujets regroupés en trois sous-groupes selon leur plus ou moins grande affinité pour la musique (haute sensibilité à la musique, sensibilité à la musique moyenne, basse sensibilité à la musique). [3]
L’ensemble des sujets choisis ne présentaient pas d’atteinte particulièrement sur le plan émotionnel et ne souffraient pas d’anhédonie générale. Tous étaient sensibles à d’autres types de récompense et n’avait pas non plus de troubles concernant la capacité à percevoir la musique.
Des tests ont ensuite été appliqués à l’ensemble des sujets visant à étudier leurs réactions physiologiques à l’écoute de la musique [4], la fréquence cardiaque, la conductance cutanée.
Les résultats sont nets ; il existe une corrélation claire entre les résultats des tests physiologiques et le classement des questionnaires relatifs au plaisir lié à l’écoute de la musique. Si tous les sujets arrivaient à catégoriser les passages musicaux et à les qualifier comme heureux, triste, effrayant, calme, le sous-groupe « basse sensibilité à la musique » qui a exprimé le moindre plaisir à l’écoute de la musique et dont les sujets avaient eux-mêmes choisi les morceaux, a également montré un moindre changement dans la fréquence cardiaque et la conductance de la peau. Cette corrélation est retrouvée pour les autres sous-groupes. Ainsi, alors que les sujets ne souffraient pas d’anhédonie généralisée (que l’on peut rencontrer par exemple dans des troubles dépressifs, la maladie de Parkinson, etc), ni d’amusie, les résultats de cette étude montrent qu’il existerait une anhédonie musicale (spécifique à la musique).
Ces travaux suggèrent que le plaisir musical n’est pas universel, qu’il n’est pas partagé par tout le monde, ce qui est pourtant communément admis. On considère en général qu’il existe un continuum dans le degré de plaisir obtenu de « récompenses », mais cette étude met en évidence que la réponse de plaisir est fragmentée, dépendante des stimuli. Certains stimuli peuvent être plus efficaces dans l’activation du circuit du système de récompense, et d’autres ne seraient pas du tout efficace.
Ces travaux mettent en évidence que la réponse à un stimulus de plaisir et le circuit de la récompense ne sont pas sur le plan neurologique une entité en soi : « L’idée que les gens peuvent être sensibles à un type de récompense et pas à un autre suggère qu’il pourrait y avoir différentes façons d’accéder au système de récompense et que, pour chaque personne, certains moyens pourraient être plus efficaces que d’autres », dit Marco Pallarès co-auteur de cette étude.
Ainsi, cette étude permet de mieux comprendre le circuit de la récompense, mais aussi pour revenir à la musique, elle peut permettre d’affiner les thérapies musicales. Si la musique paraît être un facteur motivant et thérapeutique dans certains situations pathologiques, on peut penser que le fait d’être anhédonique sur le plan musical devrait inciter les thérapeutes à choisir un autre stimulus que la musique.
Anhénonie
L’anhédonie est en général associée à un sentiment de désintérêt général causé par un dysfonctionnement du système de récompense neuronal et s’exprimant par un désintérêt de l’ensemble des stimuli tels que la nourriture, le sexe, la musique, l’argent, etc.
Alors si Freud ne goûtait guère la musique, peut-être faisait-il simplement parti des 5 % de la population présentant une anhédonie à la musique.
L’anhédonie à la musique étant par rapport à la définition de l’anhédonie générale l’incapacité à éprouver des émotions positives lors de l’écoute de la musique, situation pourtant considérée généralement comme une source de plaisir. Cette notion d’indifférence vis-à-vis de la musique est différente de la notion d’aversion, qui est un rejet de la musique, le déclenchement d’émotions négatives lors de l’écoute de la musique.
Rédacteur Docteur Arcier, président fondateur de Médecine des arts®
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Bibliographie
[1] Michel Schneider. Voix du désir. Buchet Chastel
[2] Ernest Mas-Herrero, Robert J. Zatorre, Antoni Rodriguez-Fornells, Josep Marco-Pallarés. Dissociation between Musical and Monetary Reward Responses in Specific Musical Anhedonia. Current Biology, 06 March 2014 DOI : 10. 1016/j.cub.2014.01.068
[3] Le choix des musiques proposé était relativement large et les morceaux de musique étaient dans des styles variés.
[4] Le choix des musiques proposé était relativement large et dans des styles variés.
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