Bonjour
Je suis pianiste (enseignante et accompagnatrice) et j’ai une calcification des tendons de l’épaule gauche (je suis gauchère) avec douleurs pour certains mouvements de rotation et d’appui, mon médecin m’a fait passer une radio et prescrit de la kinésithérapie, cela peut-il être suffisant ?
Quels soins préconisez-vous ? Mon médecin m’a dit que cela pouvait être une maladie professionnelle due ou développée par la pratique du piano. Qu’en pensez-vous ? Bien cordialement
Emmanuelle Deloffre
Calcification des tendons de l'épaule gauche chez une pianiste
-
par Deloffre Emmanuelle
23/11/2014 à 11:39
-
par Docteur A. Icarre
23/11/2014 à 12:04Bonjour,
Le tableau des maladies professionnelles concernant les affections de l’épaule, tableau 57 a été modifié et remis à jour par décret du 1er août 2012. Le tableau 57 fait référence de manière explicite à la notion de tendinopathie non calcifiante.
- tendinopathie aiguë non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs
- tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM
Un article du docteur A. Descatha [1] répond plus précisément sur ce point à votre question :
« En effet, quatre types de tendinopathies calcifiantes sont classés en fonction des constatations radiologiques [2-5]. Les calcifications de type A et B sont denses, homogènes, à contours nets, de grande taille, plutôt uniformes pour le type A et polylobées pour le type B. Elles sont souvent bilatérales et parfois associées à d’autres calcifications périarticulaires extrascapulaires. Les tendinopathies calcifiantes de type C présentent des calcifications hétérogènes, peu denses, à contours mal limités. Elles pourraient résulter d’un processus dégénératif au long cours, compatible dans certaines situations avec une origine mécanique (classification de la société française d’arthroscopie) ou de l’évolution défavorable après rupture de calcifications de type A ou B. Le type D correspond à une enthésopathie calcifiante de l’insertion du tendon sur le trochiter, c’est-à-dire à une ossification du tendon à son point d’attache sur l’os (physiopathologie proche).
Sur le plan étiologique, les macrocalcifications de type A et B n’ont pas de liens établis avec l’exercice physique ni l’activité professionnelle. Néanmoins, la découverte de telles calcifications n’exclut pas la possibilité d’une tendinopathie de la coiffe des rotateurs associée. En revanche, les calcifications de type C pourraient être le témoin d’une dégénérescence des tendons de la coiffe et les enthésopathies calcifiantes (type D), le témoin d’une hypersollicitation de la zone d’insertion.
Ainsi, il existe bien deux situations différentes sur le plan étiologique : la pathologie calcifiante tendineuse avec des calcifications de type A ou B sans tendinopathie avérée qui sont des pathologies pour lesquelles l’origine professionnelle n’est pas à retenir (exclues du tableau).
A contrario, la tendinopathie avérée de la coiffe des rotateurs, associée à des calcifications de type D (et de certaines type C ne correspondant à des évolutions de type A ou B), peut être d’origine microtraumatique potentiellement professionnelle et sera à confronter avec les données d’exposition en vue d’une éventuelle indemnisation (non-exclues du tableau. »
Le libellé du certificat initial de maladie professionnelle réalisé par le médecin est donc particulièrement important. « Il devra être particulièrement vigilant lors de la rédaction du certificat initial de maladie professionnelle sur le caractère calcifiant ou non de la tendinopathie et veiller à ne pas confondre tendinopathie, enthésopathie et macrocalcification (A ou B). »
Le professeur Roquelaure de manière synthétique résume le problème concernant ces calcifications :
Classification Société Française d’Arthroscopie
- Type A : denses arrondies bien limitées
- Type B : polylobées à contours nets
- Type C : inhomogènes à contours festonnés
- Type D : enthésopathies (signe de tendinopathie chronique)
- Dans le cas de calcifications de « type D » correspondant à des enthésopathies, la maladie professionnelle peut être discutée et envisagée favorablement comme une maladie professionnelle dans la mesure où les « travaux » susceptibles de provoquer la maladie sont constatés.
- Dans le cas de grosses calcifications A, B ou C, le rejet médical est probable
- Dans le cas de petites calcification de type C la maladie professionnelle pourra être également envisagée positivement dans la mesure où il existe une association et/ou une interaction avec une hypersollication de l’épaule (si cela ne succède pas à une calcification de type A ou B)
Intérêt de l’imagerie par IRM en plus de la radiographie simple pour montrer des signes de tendinopathies chroniques dans ce cas
Il est à noter que le tableau 57 précise également la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies.
- Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins 3h30 par jour en cumulé (Tendinopathie aiguë non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs.)
- Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction :
avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou
avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
concernant la Tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM .)
- Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction :
avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou
avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*))
Concernant la pratique du piano, l’abduction n’est pas supérieure ou égale à 60 ° et moins encore durant cette durée de temps. Mais pour autant cette notion peut être argumentée car si cette abduction est rarement atteinte, l’hyper sollicitation est particulièrement importante, mais nous sommes alors hors tableau.
Le professeur Roquelaure éminent spécialiste dans ce domaine indique que :
Les principaux facteurs biomécaniques de risque de tendinopathie de la coiffe des rotateurs identifiés par la littérature biomécanique et clinique sont notamment :
- la posture de l’épaule en abduction > 60° prolongée ou répétée, mais aussi
- l’antépulsion et la rétropulsion extrême de l’épaule prolongées ou répétées,
- les contraintes dynamiques répétées des muscles de l’épaule et la répétitivité élevée des gestes sans temps de récupération ;
- l’intensité élevée des efforts de la main, la manipulation de charges lourdes et le port de charges lourdes sur l’épaule ;
En résumé, la notion de maladie professionnelle concernant le problème que vous rencontrez se heurte à plusieurs difficultés.
La première concerne la liste limitative des travaux, et la pratique du piano ne semble pas entrer dans cette liste. Pour autant le législateur a prévu une voie complémentaire, dans la mesure où la maladie est bien inscrite aux tableaux par l’intermédiaire du comité de reconnaissance des maladies professionnelles. Mais il est nécessaire pour cela d’être en capacité de fournir une argumentation solide.
La deuxième est à mon avis plus délicate, c’est la définition de la maladie proprement dite. Le législateur prend en compte la tendinopathie, mais écarte les tendinopathies calcifiantes. Mais il faut tenir compte des données expliquées ci-dessus concernant la caractérisation des calcifications (de type D, possible, de type C, possible si elles sont petites)
Le médecin du travail ou de prévention peut vous aider à faire le point de manière personnaliser sur votre problème de santé. Cordialement
Docteur A. Icarre
-
par Deloffre Emmanuelle
23/11/2014 à 12:14Bonjour
Merci pour votre réponse précise et argumentée. Cordialement, Emmanuelle Deloffre