Bonjour
Je suis harpiste professionnelle (orchestre et enseignement supérieur) et dernièrement j’ai eu un problème de lésion du tendon supra-épineux de l’épaule gauche.
Je suis à la recherche de documents ou d’études scientifiques qui auraient été faites à ce sujet.
Mon but est d’apporter un maximum de témoignages afin de faire reconnaître cette lésion comme maladie professionnelle dans le pays ou je travaille (pays du sud de l’Europe).
Je ne sais pas comment ce genre de problème est considéré par la sécurité sociale en France, mais dans mon pays, cette reconnaissance est difficile… Pourriez-vous m’aider dans ce sens.
Je vous remercie d’avance.
Cordialement
Harpe, lésions du tendon supra-épineux et maladie professionnelle
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par H.C.
15/11/2014 à 18:50
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par Docteur A. Icarre
15/11/2014 à 20:51Bonjour,
Il n’y a aucun tableau de maladies professionnelles en France qui mentionne comme métier les musiciens, et aucun ne prend en compte la spécificité du geste musical.
Pour autant, certains tableaux, dans certaines situations peuvent permettre la prise en compte de l’affection comme maladie professionnelle. Prenons donc le cas d’une harpiste avec une tendinopathie du supra-épineux (ou muscle sus-épineux) dans le cadre de la législation française.
Première condition
En France, la dénomination « tendinopathie aigüe et chronique non rompue, non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs » est inscrite au tableau 57 des maladies professionnelles, à priori donc une des premières conditions est remplie pour permettre la prise en charge de cette affection dans le cadre d’une maladie professionnelle. (A noter que dans le cas d’une tendinopathie chronique, il est nécessaire que celle-ci soit objectivée par un arthroscanner en cas de contre-indication à l’IRM).
Deuxième condition
Le tableau de maladie professionnelle en France fixe les travaux susceptibles de provoquer ces maladies.
• Concernant la tendinopathie aigüe de la coiffe des rotateurs, il est nécessaire que :
« ces travaux comportent des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égale à 60° pendant au moins 3 h 30 par jour cumulé.
• Concernant la tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs, il est nécessaire que :
« ces travaux comportent des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction avec :
- Un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé
- Avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour cumulé.
Il semble que cette condition est difficile à remplir concernant une harpiste, mais cela vaudrait la peine de bien étudier la problématique car à quelques degrés près il me semble que cette notion peut se discuter sur les marges.
Pour ma part, je pense qu’une fois de plus, la spécificité du musicien, et du harpiste en l’occurrence n’est pas pris en compte, et que la législation sur les maladies professionnelles ne joue pas en faveur des métiers artistiques. Cette législation a été construite en fonction des travaux en milieu industriel notamment, son histoire est issue du milieu du siècle dernier et s’est faite à l’écoute des grandes fédérations syndicales industrielles et du patronat de cette époque, conseillés par des médecins peu au courant des maladies des artistes, concept qui n’existait pas encore à cette période.
Lorsque la deuxième condition n’est pas remplie, mais que l’affection est bien désignée dans le tableau, le législateur a mis en place une voie annexe de reconnaissance. Un dossier doit être présenté devant le Comité Régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Ceci est possible dans la mesure où le musicien a été exposé au risque, et que la maladie est bien notifiée dans le tableau. Dans le cas d’une harpiste, nous sommes bien dans cette situation, il s’agit d’un geste très spécialisé et répétitif avec les bras constamment en ascension et des efforts conséquents des membres supérieurs et des muscles de la ceinture scapulaire.
Un dossier construit sur ces bases et qui mettent en évidence d’une part la lésion tendineuse et les différentes phases de jeu « exposantes » devrait à mon avis permettre cette reconnaissance.
Dans le cas d’un refus, la voie juridique semble également possible avec un juriste spécialisé dans ce domaine, mais c’est à l’intéressé d’apporter les preuves de la relation de cause à effet et le coût à engager peut ne pas être négligeable.
Derrière une reconnaissance de maladie professionnelle, c’est important de réfléchir en amont sur les conséquences à court et long terme de cette reconnaissance. Si cela permet de bénéficier de la prise en charge à 100% des soins, il est fréquent que le taux d’IPP soit peu élevé. Dans le cas d’une inaptitude définitive au poste de travail, cela peut signifier un licenciement sans indemnité. Il est nécessaire d’être bien conseillé par un service spécialisé pour étudier ces conséquences, et toutes les possibilités administratives et professionnelles, les services de médecine du travail peuvent délivrer ces conseils sur la base du secret professionnel.
cordialement
Docteur ICARRE