Bonjour
Existe-t-il des maladies professionnelles spécifiques des musiciens ?
Santé, bien-être et performance des artistes : musiciens, chanteurs, danseurs, plasticiens, etc.
Bonjour
Existe-t-il des maladies professionnelles spécifiques des musiciens ?
Bonjour,
Il n’y a pas de maladies professionnelles spécifiques des musiciens au sens strictement médico-légal, c’est-à-dire reconnues comme telles par la sécurité sociale. La seule qui présenterait une certaine spécificité pour le musicien, la dystonie de fonction, n’est pas reconnue comme professionnelle. D’ailleurs on peut dire que c’est du fait de sa spécificité paradoxalement que la dystonie de fonction n’est pas reconnue chez le musicien. Le fait en fait qu’elle n’existe pratique pas ou très rarement dans d’autres professions est une des raisons pour laquelle cette maladie n’est pas encore reconnue comme professionnelle, alors que de toute évidence elle l’est. Pour comprendre cela il faudrait revenir à l’historique de cette législation et à son évolution qui a été conduite très largement par les grandes fédérations professionnelles et principalement portée par les grandes industries françaises : mine, sidérurgie, énergie etc. C’est si vrai qu’il y a des corporations qui ont permis l’inscription de maladies professionnelles propres à leur activité et extrêmement rare, le nystagmus des mineurs par exemple (tableau 23), une maladie qui a disparu en France du fait des conditions de travail mais aussi de la disparition de ces métiers, et il y a bien d’autres cas. Cette inscription était due à l’existence historique du trouble mais surtout à la puissance de ces représentations syndicales dans ces commissions. La dystonie du musicien devrait être reconnue, mais il faudra du temps pour cela et une prise de conscience des institutions en charge de faire évoluer les tableaux de maladies professionnelles.
La législation française à des spécificités,
• qui facilitent la prise en charge des maladies inscrites dans les tableaux, du fait de la présomption d’origine
• accordent depuis les années 90 après avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles
• la possibilité d’une reconnaissance des maladies inscrites dans les tableaux mais n’ayant pas tous les critères requis,
• la possibilité d’une reconnaissance d’une maladie non inscrite au tableau des MP, en cas de décès ou d’IPP >25%
Les musiciens aujourd’hui peuvent avoir la reconnaissance de leur affection « normalement » dans la mesure où celle-ci correspond aux critères requis. Pour les autres cas, ils peuvent se heurter à la spécificité de leurs modes opératoires, pas toujours pris en compte dans les critères et du fait d’une certaine méconnaissance des experts mandatés. Aussi les dossiers des musiciens doivent être bien argumentés et nous sommes arrivés parfois à modifier certaines logiques liées à la méconnaissance des affections du musicien et dans bien des cas les dossiers peuvent évoluer positivement. La situation est bien plus compliquée lorsque la maladie n’est pas inscrite au tableau. On se heurte en général au fait que les maladies des musiciens entraînent une IPP inférieure à 25 % et ne donnent même pas accès au recours des comités régionaux, alors que leur handicap professionnel peut être de 100 %. Nous avons régulièrement des dossiers de ce type. Cela est plus vrai encore pour la dystonie, où le handicap professionnel est parfois (mais pas toujours) à 100 % et l’IPP à 0 %. Souvent le musicien ne comprend pas cela, mais il est important de retenir que l’IPP ne prend que très faiblement en compte le handicap professionnel, il prend en compte le handicap dans la vie quotidienne.
Il est à noter que s’il y a peu de maladies spécifiques des musiciens en dehors peut-être de la dystonie de fonction, il existe de nombreuses formes cliniques des troubles musculo-squelettiques par exemple qui ne sont pas inscrites dans des tableaux et qui sont sur-représentées chez les musiciens du fait de leur activité faite de mouvements répétitifs et dans le même temps de techniques gestuelles spécifiques. Dans ce sens, certains troubles canalaires, tendinopathies, syndrome de surmenage sont spécifiques de certaines techniques musicales et cela les rend paradoxalement plus difficiles voire impossibles à faire reconnaître dans le cadre de la législation actuelle. Se surajoute à cela la problématique de l’intermittence qui fait qu’il est parfois plus difficile d’associer l’élément lésionnel chronique en temps et lieu de travail, alors que si la notion de travail est intermittente, le travail à l’instrument ne l’est pas. On peut décliner ainsi de nombreuses particularités auxquelles le législateur ne répond pas, du fait non pas de la spécificité des maladies, mais de la spécificité de la législation, même si les progrès sont réels, et les médecins plus avertis par ces problèmes. Dans les dossiers de maladies professionnelles, il est nécessaire également d’avoir une vision globale des conséquences de la maladie et des effets de la déclaration. Les médecins du travail sont souvent bien placés pour conseiller les musiciens. Nous travaillons beaucoup sur ces dossiers, car nous trouvons particulièrement injuste le traitement qui est fait aux musiciens mais aussi aux personnes qui peuvent avoir des pathologies professionnelles émergentes. Il est nécessaire que la législation change et que les différents partenaires prennent ce dossier en charge.
C’est la raison pour laquelle, cela fait quelques années que médecine des arts® a mis en place un département Médecine des arts-conseils qui conseille les artistes dans leur problématique médico-légale soit dans le cadre professionnel (MP) soit dans le cadre assurantiel (accidents par exemple).
Docteur Arcier