Dorure sur métaux, intoxication mercurielle chez les sculpteurs

La dorure sur métaux réalisée de manière traditionnelle est une activité rare en France. Plus généralement, la dorure se fait aujourd’hui par électrolyse en milieu industriel ou semi-industriel. Mais il existe encore quelques rares artisans d’art qui la pratiquent et quelques artistes qui peuvent ponctuellement utiliser cette technique. Cette dorure traditionnelle se fait à l’aide d’amalgame organomercuriel.

Une intoxication au mercure chez un artisan d'art

Il s’agit d’un artisan d’art de 56 ans qui pratique cette technique depuis l’âge de 14 ans. Cette activité artisanale ne concerne qu’une petite partie de ses activités globales ; elle s’exerce lorsqu’il y a des commandes de pièces de grande valeur.

Mode opératoire
La technique repose sur application d’un amalgame or-mercure sur l’objet à dorer. « Pour former l’amalgame, de l’or laminé et des gouttes de mercure sont mis dans un creuset de terre cuite, en respectant la proportion 1 gramme d’or pour 5 grammes de mercure. Le creuset est chauffé à 300°C, sur un feu de charbon de bois pour faire fondre l’or et le mercure. L’amalgame ainsi formé est appliqué sur la pièce, à l’aide d’un petit balai métallique. La pièce de l’amalgame est chauffée. Le mercure s’évapore et l’or reste sur la pièce. L’objet est frotté au balai de soie pour uniformiser la pellicule d’or. Lorsque la pièce est refroidie, celle-ci est égalisée avec une brosse sous un filet d’eau. L’épaisseur de la pellicule d’or est variable, de 0,5 à 5 microgrammes." [1]

La prévention collective (hotte récente), ainsi que la prévention individuelle (port de protection individuelle - masque respiratoire à cartouche) est récente. Cette pratique traditionnelle, si elle permet de faire un travail de grande qualité, expose notablement aux vapeurs mercurielles.

Les troubles cliniques
Lorsque cette personne a consulté, elle présentait des troubles en relation avec cette exposition, des symptômes neurologiques, stomatologiques et digestifs évoluant depuis de nombreuses années, nommés hydrargirisme. Les symptômes sont rythmés par la pratique de la dorure artisanale. « Il indique la présence d’un goût métallique dans la bouche et la perte des dents dès l’âge de 25 ans » [1]. A l’examen, on retrouve les signes de l’intoxication mercurielle, un petit liseré métallique au niveau des incisives inférieures ; il signale des douleurs abdominales, un tremblement ainsi qu’une impuissance et des céphalées et l’apparition d’un épisode d’hallucinations auditives. Les résultats des examens biologiques confirment l’imprégnation mercurielle.

L’exposition à ce risque a été stoppée et une déclaration de maladie professionnelle a été faite (tableau 2 du Régime Général). Un suivi médical régulier sera réalisé de manière régulière.

Une prévention nécessaire chez le sculpteur
Cette pratique est exceptionnelle, mais elle doit nous faire réfléchir aux pratiques artistiques qui sont d’une grande diversité et qui se font très souvent dans des conditions de prévention très précaires. Certaines pratiques artistiques amènent à être exposé à des risques très particuliers et qui peuvent être graves, comme le souligne cet exemple. Aussi on ne peut que conseiller que la première étape de la réalisation d’une pratique artistique repose sur une interrogation sur les risques de la technique, des matériaux, des produits utilisés. Travailler en liberté est une nécessité pour l’artiste ; la plus grande des libertés est obtenue lorsqu’on a évacué le problème du risque pour ce concentrer sur l’oeuvre en train de se faire.

Rédacteur Docteur Arcier André, président fondateur de Médecine des arts®
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[1] Archives des maladies professionnelles, 1994, vol.55, n°6, 484-484

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