Déchiffrage. Chronique d’un professeur de piano, N°2

"Comprendre ce qui n’est pas écrit"
« Au début, la partition n’est qu’un amoncellement de signes sans signification, puis elle acquiert le statut d’intermédiaire transparent et fidèle qui donne accès à la musique. La déchiffrer, la maîtriser jusqu’à comprendre ce qui n’y est pas écrit, ce sera cela, être musicien »1 [1]
« Une improvisation se déchiffre aussi, on développe ses idées, ses relations avec les autres, ses contradictions. »[Salatko Alexis. Edition Le Livre de Poche. Janvier 2007]]. Vaste programme pour un mot aussi banal !
Déchiffrer ce n’est pas seulement lire des notes, c’est déjà donner du sens à une partition ; c’est-à-dire en faire une analyse harmonique rapide : situer la tonalité, la forme, l’époque, le style, pour déjà se représenter l’œuvre par la pensée et l’oreille intérieure.
Bien lire facilite la tâche mais un déchiffrage et un rapport direct à l’instrument sont indispensables et indissociables. C’est pourquoi j’essaie de faire travailler le plus de morceaux possibles, sans les jouer parfaitement, dans différents styles, et d’utiliser rapidement toute l’étendue du clavier.
Pour bien déchiffrer, il faut bien connaître son clavier, l’avoir dans la tête. Des exercices d’intervalles, de déplacements, d’empreintes peuvent être utilisés sans passer par la lecture et sans regarder ses mains.

Avoir la musique en soi
« Être musicien, c’est savoir sentir et avoir la musique en soi. » [2]. Il faut entendre aussi, dans une exécution rapide ou dans des accords. On ne peut pas contrôler toutes les notes, les dire mentalement, on pensera seulement à celles qui ont un rôle clé, celles qui font moduler, elles feront aussi évoluer nos émotions. Ces notes structurelles guideront la représentation musicale.
J’aime cette phrase extraite d’un roman [3] : « Elle maîtrise déjà mieux la géographie de l’instrument, dresse un pont entre la partition et le clavier, fait correspondre la carte et son territoire ». C’est peut-être cela bien déchiffrer…
J’essaie d’aider mes élèves dans ce sens quand nous déchiffrons leurs morceaux en cours, je leur joue d’abord, je leur indique les endroits-pièges, les passages difficiles ou qui se ressemblent. J’essaie d’adapter au raisonnement et aux qualités de chacun (les visuels, les auditifs, les perfectionnistes…). Déchiffrer en cours leur permet une économie de travail, je leur montre l’essentiel, la trame, la construction, la logique. Nous n’avons pas toujours le temps de tout déchiffrer mais je fais en sorte que la partition ne reste pas une énigme ni un paquet de notes incohérentes, incompréhensibles et décourageantes (je rappelle que peu d’entre eux pratiquent le solfège en dehors).
J’indique une méthode de travail, pas toujours dans l’ordre linéaire, ce qui les étonne souvent, pour que rapidement, le plaisir soit au rendez-vous. J’essaie de faire une mise en place mains ensembles assez tôt, cela me semble important d’avoir déjà une vue d’ensemble, quitte bien sûr à retravailler en détail après, main par main, passage par passage. Et toujours déculpabiliser ! On a le droit aux fausses notes, aux erreurs, il faut même souvent aller dans ce sens pour s’obliger à jouer en mesure (dans le but de l’accompagnement ou du jazz).
Il faut associer les différentes façons de travailler, varier et faire un choix, jouer juste ou en mesure, ou avec le style, car on ne peut tout associer à la fois.
Néanmoins, à travail égal, certains déchiffreront mieux que d’autres, sans pour autant mieux jouer. On peut être mauvais lecteur mais jouer parfaitement bien, et vice versa. Je ne sais pas pourquoi ; peut-être simplement parce que chaque cerveau fonctionne différemment. Je remarque que les bons « déchiffreurs » n’aiment pas trop perfectionner, ils aiment découvrir plus qu’approfondir (j’en reparlerai dans lune autre partie, consacrée au toucher des philosophes).

Rédactrice Patricia Cousin. Professeur de piano
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Bibliographie

[1] Boureau François. Contrôler votre douleur. Edition Petite Bibliothèque Payot. Janvier 2004
[2] Sorel Alexandre, revue Piano n°21
[3] Borissov Youri, Du côté de chez Richter. Edition acte sud. Juin, 2008


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