Young (Willis Lester), surnommé Prez (le Président)

Saxophoniste et clarinettiste américain (Woodville, Missouri, 1909 – New York 1959). C’est à New Orléans que, très jeune, il fait ses débuts à la batterie, puis à l’alto, dans l’orchestre de son père, Billie Young. Il joue ensuite du baryton et du ténor chez les Bostoniens d’Art Bronson, travaille avec King Oliver et les Blues Devils de Walter Page, se rend à Kansas City, où il rencontre Count Basie. En 1934, il fait partie de la formation d’Andy Kirk, puis est engagé par Fletcher Henderson pour remplacer Coleman Hawkins. Deux ans plus tard, il rejoint Count Basie, avec qui il reste jusqu’en 1940. Durant cette période, il a l’occasion d’enregistrer avec la chanteuse Billie Holiday, qui surnommera « Prez ». Après 1940, il dirige un orchestre, retourne, en 1943, Chez Basie, puis est mobilisé en 1944. La guerre terminée, il prend la direction d’une quintette, participe aux tournées du J.A.T.P., se produit en soliste dans des clubs et enregistre de nombreux disques en petite formation. Peu de temps avant sa mort, due à une crise cardiaque, il est la vedette du cabaret Blue Note, à Paris.
Lester Young n’est pas seulement, avec Coleman Hawkins, le plus grand des saxophonistes ténors du jazz, mais aussi un des responsables de l’évolution du jazz après 1945, par son influence sur Charlie Parker et l’ensemble des musiciens des années 40 et 50.
Plusieurs innovations définissent l’originalité de son style :

•   une sonorité peu volumineuse, faiblement vibrée, rappelant celles de Bud Freeman et de Frankie Trumbauer : l’attaque est sèche, le timbre feutré ;
•   le découpage rythmique, qui ignore l’ancien balancement attiré par le contretemps pour donner une valeur égale aux 4 temps : enjambant allègrement les barres de mesure, Lester Young fut l’un des premiers improvisateurs qui équilibrèrent leurs phrases en dehors des temps, annonçant ainsi, avec dix ans d’avance, les conceptions de l’école be-bop ;
•   L’emploi des accords de passage qui agrandissent le champ harmonique des improvisations ;
•   L’abandon de la seule paraphrase du thème au profit de l’invention de solis d’une grande sobriété mélodique sans concessions à l’emphase ou à l’ornement ;
•   Le goût du contraste et de l’inattendu dans le déroulement mélodique, de brusques ponctuations dans le grave succédant à des chapelets de notes agiles, à des envolées légères et aériennes.

Excellent technicien, Lester Young jouait avec une grande décontraction. Après des départs fulgurants, où il installe son tempo inférieur, il laisse traîner les notes sur la trame rythmique, ne les exprimant qu’au dernier moment. Par des accentuations surprenantes, de brusques décalages, il engendrait un swing intense, totalement différent de celui haletant et mécanique, des ténors de l’école Hawkins. Enfin surtout à partir de 1940, le jeu de Lester Young est l’expression d’une sensibilité à fleur de peau, mélancolique et tendre, reflet d’une personnalité d’une rare émotivité.
Enregistrement : Lady be good (avec Basie, 1936), Travlin’ all alone (avec Billy Holiday, 1937), Swingin’ the blues (avec Basie, 1938), I can’t get started (avec Billie Holiday, 1938), Pagin’ the devil (à la clarinette, avec les Kansas City Six, 1938), The man I love (avec Billie Holiday, 1939), Song of the Island (avec Basie, 1939), Miss Thing (avec Basie, 1939), Lester leaps in (avec Basie, 1939), I got rhythm (avec Bill Coleman, 1943), Ghost of a chance (1944), These Foolissh Things (1945), I want to be happy (avec King Cole, 1944), I can’t get started (avec le J.A.T.P, 1946), Confessin’s (1947), Jumpin’ with Symphony Sid (1947), Neenah (1950), Louise (1956).
Dictionnaire de jazz, 1967

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