Vaudeville
Pièce, comédie en Vaudeville
En même temps qu’il s’altérait dans sa forme, ce mot voyait modifier profondément sa signification première. Le vaudeville, d’abord simple chanson satirique, s’appelait primitivement vau de Vire, du lieu de naissance, et c’est par corruption qu’on en a fait vaudeville. « Vers 1520, dit Georges Kastner, dans le vau de Vire, en basse Normandie Basselin, impatient du joug de l’étranger, composa des chants satiriques contre les Anglais qui voulaient envahir le royaume. Ces chansons, qui respiraient un ardent patriotisme, coururent le val au vau de Vire, c’est-à-dire la vallée, en conservant le nom qu’elles tenaient du lieu de leur origine. Au bout d’un certain temps, le souvenir de cette source étymologique se perdit, et le nom primitif fut changé en celui de vaudeville, non sans avoir subi des modifications qui ont souvent égaré le linguiste. »
Il n’est pas un lettré qui ne connaisse les jolis vaux-de-vire d’Olivier Basselin et ceux de Jean le Houx, dont o a fait de nombreux recueils, et qui donnèrent naissance à la petite chanson, au vaudeville populaire, que Boileau rappelait ainsi en parlant de la satire, mère de l’un et de l’autre :
D’un trait de ce poème en bons mots si fertile,
Le Français, né malin, forma, le vaudeville,
Agréable indiscret qui, conduit par le chant,
Passe de bouche en bouche et s’accroît en marchant :
La liberté française en ses vers se déploie ;
Cet enfant du plaisir veut naître dans la joie.
Satirique avant tout, le vaudeville était souvent politique, et plus d’une mazarinade lui emprunta sa forme svelte et légère. Il affolait la ville et déridait la cour, puis bientôt il s’élança sur la scène, où il se trouvait dans son véritable élément. Toutes les pièces de l’ancien Opéra-Comique de la Foire, toutes ses fantaisies, toutes ses parodies étaient cousues de vaudevilles, petites chansons composées d’un ou de plusieurs couplets généralement écrits sur des airs connus. Je dis « généralement, » et non pas toujours , comme l’ont prétendu à tort certains chroniqueurs ; car il arrivait souvent aussi qu’on écrivait pour les vaudevilles de la musique nouvelle, et, au dix-huitième siècle, certains musiciens se sont fait un nom dans ce genre de compositions, entre autres Mouret, Quinault le comédien, Gilliers et Blavet.
Un peu plus tard, les pièces de ce genre, qu’on qualifiait d’abord d’ « opéras-comiques, » devinrent des « pièces en vaudevilles, » puis des « comédies mêlées de vaudevilles, » puis « des comédies-vaudevilles », et enfin, pour abréger, des « vaudevilles. » C’est ainsi que le contenant finit par se substituer au contenu, et qu’on en vint à donner le nom de vaudeville à des pièces qui contenaient des vaudevilles, c’est-à-dire des couples. Ce genre de pièces, qui, sous des qualifications diverses, a charmé le public français pendant cent cinquante ans, est dédaigné et délaissé depuis un quart de siècle. Mais rien ne dit que nous ne le reverrons pas, et j’inclinerais même à croire que sa résurrection n’est pas aussi éloignée qu’on le pourrait penser.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885
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