Turlupinades
Les turlupinades étaient de grosses farces que les trois joyeux compagnons : Turlupin, Gros-Guillaume et Gauthier-Garguille, jouaient ensemble avant d’appartenir à la troupe de l’Hôtel de Bourgogne, et qu’ils continuèrent de représenter entre eux lorsqu’ils eurent été incorporés à celle-ci. Cette incorporation eut lieu de la façon suivante, d’après ce que rapporte de Léris :
Gauthier-Garguille, Gros-Guillaume et Turlupin étaient garçons boulangers du faubourg Saint-Laurent à Paris ; sans étude, mais avec de l’esprit : ils étaient amis, et s’étant mis en tête de faire la comédie, ils composèrent des pièces ou des fragments comiques qu’on a nommées depuis Turlupinades : ils prirent des habits convenables aux caractères où ils s’étaient destinés. Ils louèrent un petit jeu de paume, qui existe encore à la porte Saint-Jacques : ils avaient un théâtre portatif, et des toiles pour leur servir de décorations. Ils jouaient depuis une heure jusqu’à deux, surtout pour les écoliers, et le jeu recommençait le soir ; le prix du spectacle était de deux sols six derniers par tête. Les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne s’étant plaints au cardinal de Richelieu que trois bateleurs entreprenaient sur leurs droits, S. E. voulut juger de ce différent par ses yeux. Ils furent mandés au Palais-Royal, où ils reçurent ordre de jouer dans une alcôve. Ils se surpassèrent dans la scène de Gros-Guillaume en femme, fondante en larmes pour apaiser la colère de Turlupin son mari, qui, le sabre à la main, menaçait à chaque instant de lui couper la tête sans vouloir l’écouter ; scène d’une heure entière, dans laquelle cette femme, tantôt debout, tantôt à genoux, lui disait mille choses touchantes, et tentait tous les moyens de l’attendrir. Au contraire le mari redoublait ses menaces. « Vous êtes une masque, lui disait-il, je n’ai point de compte à vous rendre, il faut que je vous tue. Eh ! mon cher mari, reprit-elle, je vous en conjure par cette soupe aux choux que je vous fis hier manger, et que vous trouvâtes si bonne. » A ces mots, le mari se rend, et le sabre lui tombant des mains : « Ah ! la carogne, dit-il, elle m’a pris par mon faible, la graisse m’en fige encore sur le cœur, » etc.
Ce spectacle, tel qu’on peut se le figurer, plus au cardinal. Il fit venir les comédiens, et leur reprochant qu’on sortait toujours triste de la représentation de leurs pièces, il leur ordonna de s’associer ces trois acteurs comiques.
Aujourd’hui on donne le nom de turlupinades à certaines charges un peu forcées à certains lazzis d’un bas comique, auxquels se livrent des acteurs plus soucieux d’exciter le rire d’une façon même grossière que de faire preuve de bon goût, et qui rappellent le jeu burlesque de Turlupin et de ses compagnons.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885
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