Théâtral

Adjectif
Qui est propre et ne convient qu’au théâtre. Les acteurs, même aux temps les plus florissants de l’art dramatique en France, affectaient des attitudes recherchées, une pantomime forcée, une impétuosité de mouvements et de gestes qui, bien qu’ils fussent une expression juste des passions en général et conformes à la pompe du langage de la poésie dramatique, sortaient cependant souvent des habitudes naturelles aux personnages qu’il s’agissait de représenter ; c’était l’idéal de l’art de l’acteur, sur le mérite ou le vice duquel ce n’est pas ici le lieu de discuter. Alors, aussi, la vérité du costume était entièrement négligée, et l’on ne connaissait rien mieux pour le théâtre que des habillements excessivement surchargés de riches étoffes, de clinquants, d’oripeaux, ajustés plus ou moins à la manière des vêtements d’un usage commun, dans un temps où ceux-ci étaient de fort mauvais goût. Il en était de même des décorations et des accessoires de la scène ; rien n’était moins pittoresque. Or, ce sont ces conventions, ces habitudes, ce style, ces travers propres au jeu et à la décoration scéniques qui, transportés dans les compositions du peintre, constituent ce qu’il faut entendre, en parlant de celles-ci, par style théâtral, effet théâtral, composition théâtrale. On est aujourd’hui peu enclin à ce vice duquel même on peut dire qu’il n’a plus lieu : non que les peintres de nos jours ne se laissent encore assez facilement aller à reproduire les poses et l’expression mimique habituelles aux expressions en vogue, mais parce que l’art de la scène s’est à son tour modelé sur ceux du dessin, que les acteurs ont étudié les statues antiques pour en imiter les attitudes et le mouvement, qu’ils se sont conformés pour le costume et les décorations à ce que font les peintres dans leurs tableaux, qu’ils ont recherché en tout l’effet pittoresque, et qu’il y a aujourd’hui peu l’effet théâtral, même sur le théâtre. Noël Coypel, en peignant la scène de la querelle d’Achille et d’Agamennon, et la dernière scène d’Athalie comme les représentaient les plus célèbres acteurs de son temps, fit deux compositions théâtrales jusqu’au ridicule. Le tableau qui de nos jours représentait ces deux scènes comme on les voit au Théâtre-Français à Paris, n’aurait presque rien du style théâtral. Toutefois, les peintres, sans avoir à ne s’en prendre qu’à leur seule imagination, tombent encore quelquefois dans une exagération de mouvement et d’expression, un fracas de contrastes, un luxe d’ornement, qui maintiennent en vigueur l’usage des mots : composition théâtrale, effet théâtral, style théâtral.
Edouard Rouveyre. Comment apprécier les croquis, esquisses, études, dessins, tableaux, aquarelles, pastels, miniatures. Librairie G. Baranger fils, 1911

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