Piano éolique ou éolien
Le son produit par le coup du marteau, se continuait ensuite et se prolongeait à volonté par le courant d’air, ce qui formait une association désagréable en faisant l’effet de deux instruments dont l’un répétait les notes de l’autre.
Un autre défaut consistait dans la nécessité où se trouvait l’exécutant d’employer une deuxième personne pour faire mouvoir une roue adaptée au bout du piano et destinée à mettre en jeu le soufflet. Par ce procédé, l’augmentation et la diminution du vent ne se faisant pas au gré de l’exécutant, l’expression devenait impossible pour les sons prolongés.
Ces inconvénients étaient trop sensibles pour que M. Isoard ne songeât pas à y remédier. Il résolut de construire un nouvel instrument notablement modifié ; mais ayant épuisé ses ressources en sacrifiant tout pour des essais dispendieux, il offrit à plusieurs facteurs d’exploiter son invention. Après avoir essuyé quelques refus, il trouva un accueil empressé chez M. Herz, qui entrevit le parti qu’il pourrait tirer d’un pareil instrument pour l’Exposition de 1844. En effet, le deuxième piano éolique (ou piano éolien), comme l’a nommé M. Herz dans une Notice qu’il publia en cette même année), construit par M. Isoard dans les ateliers de la rue de la Victoire, figura dans cette Exposition avec beaucoup d’éclat et valut la médaille d’or, non par l’inventeur qui l’avait fait, mais à la manufacture dont il portait l’étiquette.
Le premier piano de M. Isoard avait été un piano à queue ; celui-ci était un piano vertical de dimension ordinaire ; il était à trois cordes, mais le vent n’agissait que sur celle du milieu, placée devant une rainure qui donnait passage à l’air. La combinaison du mécanisme permettait d’attaquer les cordes seulement parle marteau, ou seulement pas le vent, ou enfin par les deux ensemble. On conçoit la variété qui en résultait pour l’exécution. Ce mécanisme présentait encore une particularité remarquable en ce que l’air n’était pas pousse contre les cordes comme il l’est contre les anches libres dans les orgues expressifs, mais qu’il les attaquait par aspiration, et voici comment :
Derrière les cordes se trouvait placée une caisse mobile, divisée en autant de compartiments qu’il y avait de touches. Chaque compartiment communiquait avec le porte-vent au moyen d’une soupape.
L’action du soufflet était réglée de manière à produire le vide dans la caisse. La pression des touches faisait ouvrir les soupapes, et alors l’air atmosphérique, se précipitait dans ce vide, venait frapper les cordes qui se trouvaient sur son passage. Par suite de cette ingénieuse combinaison, les cordes étaient attaquées dans la même direction par les marteaux et par le vent.
Ce piano était de six octaves et demie ; mais les sons prolongés ne s’obtenaient pas sur toute l’étendue du clavier, le vent n’agissant que sur quatre octaves et demie, à partir du second fa de la basse jusqu’au dernier ut du dessus. Peut-être M. Isoard, s’il eût continué la construction de ces instruments, aurait-il triomphé des obstacles qui empêchaient de faire vibrer les cordes graves ; peut-être, en perfectionnant son système de soufflerie, aurait-il donné à l’exécutant les moyens de soutenir à pleine main des accords, ce que l’insuffisance du vent ne permettait pas toujours ; mais il quitta peu de temps après les ateliers de M. Herz, et depuis on n’a plus entendu parler ni de lui, ni de l’instrument.
Quant au célèbre artiste-fabricant qui avait pris cette invention sous son patronage, on doit s’étonner qu’après avoir annoncé à grand fracas le piano éolien, grâce auquel suivant sa Notice citée plus haut, l’art du pianiste, déjà poussé si loin, semblait destiné à recevoir encore une impulsion nouvelle sur une route aussi attrayante qu’inexplorée. Peut-être cette invention revivra-t-elle un jour, et voilà pourquoi il m’a semblé utile d’entrer dans les détails qu’on vient de lire.
Adrien De La Fage Visites musicales à l’exposition universelle de 1855. Paris chez Tardif, Libraire 1856
- Mécanisme ressemblant à celui du physharmonica, et donnant des sons éoliens.
- Melhop, de Londres, et Chambry, de Paris, tentèrent cet essai en 1855 et 1856.
Dictionnaire des instruments de musique, Albert Jacquot 1886
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