Naïf

Adjectif
Qui a sa simplicité telle que la nature l’a formé, sans rien encore ou peu de chose de ce que la réflexion, l’expérience, l’artifice de l’éducation et les habitudes empruntées de la civilisation apportent de changement ou même de supplément au naturel. Naïf ne se dit qu’en parlant des naturels heureux, et comporte les idées de candeur, d’ingénuité, d’innocence, d’enjouement ou de sensibilité, de grâce, de bonhomie, de franchise. La naïveté est le propre de l’enfance. Certains caractères doux, confiants, sincères, exempts d’orgueil, d’ambition, de jalousie, de passions fortes, la conservent même dans un âge plus avancé. Elle a dans les traits de la physionomie son expression, qui est facile à reconnaître et pleine de charme, surtout dans les femmes. Cette expression est l’objet de l’imitation du peintre, qui emploie toutes les ressources de l’art à représenter la nature naïve. On admire la naïveté des Vierges et des Enfants de Raphaël ; il y a dans les tableaux des Carrache et du Dominiquin des personnages naïfs en assez grand nombre, et l’on en trouve partout où il y a lieu, dans les compositions du Poussin.
Indépendamment de cette naïveté de la nature, objet de l’imitation de l’art perfectionné, l’art lui-même a sa naïveté, qui consiste dans les habitudes de son enfance et est le caractère des ouvrages du quinzième siècle, alors que les peintres ne se préoccupaient que peu du choix de leurs sujets et de ce qu’on a appelé depuis la poésie de la composition, la richesse de l’ordonnance, la vérité historique, représentaient les scènes les plus simples sur toutes sortes de sujets, dans rien changer au caractère non plus qu’au costume des modèles que le siècle et le payse où ils vivaient leur fournissaient, ne se s’appliquant à autre chose qu’à peindre ces modèles au naturel. C’est ainsi que l’on dit de tous les tableaux des primitifs qu’ils sont naïfs, alors même qu’ils ont pour objet les sujets et les personnages les plus étrangers au caractère naïf.

Edouard Rouveyre Comment apprécier les croquis, esquisses, études, dessins, tableaux, aquarelles, pastels, miniatures. Librairie G. Baranger fils, 1911

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