Moucheurs de Chandelles
Au dix-septième siècle, la rampe des théâtres, au lieu d’être éclairée à l’huile, comme elle le fut plus tard, au gaz, comme elle l’est aujourd’hui, à l’électricité, comme elle le sera demain, était simplement composée de chandelles. Ces chandelles ne pouvaient être mouchées que pendant les entractes, sans quoi le spectacle aurait été interrompu par cette opération intéressante, et il avait fallu créer à cet effet un emploi spécial, celui de moucheur de chandelles, qui ne s’exerçait pas sans provoquer incessamment les lazzis et les quolibets du public, et qui pourtant exigeait une certaine adresse et une certaine dextérité, ainsi que nous le fait connaître, dans son Théâtre François, Chappuzeau, en donnant des détails curieux sur la façon dont on procédait à cet effet : « C’est aux décorateurs, dit-il, de se pouvoir de deux Moucheurs pour les lumières, s’ils ne veulent pas eux-mêmes s’employer à cet office. Soit eux, soit d’autres, ils doivent s’en acquitter promptement, pour ne pas faire languir l’auditeur entre les actes, et avec propreté, pour ne lui pas donner de mauvaise odeur. L’un mouche le devant du théâtre, et l’autre le fond, et surtout ils ont l’œil que le feu ne prenne aux toiles. Pour prévenir cet accident, on a soin de tenir toujours des muids pleins d’eau, et nombre de seaux, comme l’on en voit dans les places publiques des villes bien policées, sans attendre le mal pour courir à la rivière ou aux puits (1) »
1. Un homme grave, un personnage politique, un conventionnel, Pons de Verdun, publiait dans le Mercure français (25 décembre 1794) le petit conte que voici :
Le Débutant
A l’ouverture d’un spectacle
C’était un spectacle bourgeois)
On vient d’annoncer un obstacle
Qui met tout le monde aux abois :
La vacance de deux emplois,
Mais tels qu’une seule personne
Pourrait les remplir à la fois.
S’il est ainsi, qu’on me les donne,
Répond soudain un spectateur,
Je les remplirai de bon cœur.
Ces emplois dont on le croit digne,
En quatre mots lui sont livrés :
« Vous moucherez, vous soufflerez. »
J’entends fort bien cette consigne.
Qu’arrive-t-il ? au premier signe
Le quidam, moucheur et souffleur,
Pour son début en fait de belles ;
Car il s’en vient moucher l’acteur
En souffler toutes les chandelles.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885
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