Mémoires dramatiques
Les mémoires, on le sait, sont précieux pour l’histoire, dont ils nous font connaître le côté intime et parfois saisissant. En ce qui concerne l’art et les artistes, leur lecture et leur étude sont particulièrement intéressantes. Par malheur, les comédiens écrivent peu, et il faut bien le dire, lorsqu’ils se mêlent de publier ou de laisser des mémoires, ceux-ci, la plupart du temps, n’offrent qu’un recueil de petits commérages sans valeur et de réflexions sans intérêt : en ce disant, je m’étonnerai aucun de ceux qui ont pu lire, en ces dernières années, les mémoires publiés sous divers titres et portant la signature de Samson, de Roger, de Laferrière et de M. Bouffé. Il ne se peut rien de plus vide et de plus incolore. On a publié pourtant, il y a une soixantaine d’années, une intéressante Collection de Mémoires sur l’art dramatique (Ponthieu, éditeur, 1822, vol. in-8°), dans laquelle on trouve quelques écrits curieux, soit laissés par de grands comédiens, soit rédigés d’après leurs papiers. Cette collection renferme d’abord des mémoires de grands acteurs étrangers : Garrick, Macklin, Brandes, Iffland ; puis des Mémoires de ou sur Talma, Préville, Dazincourt, Lekain, Mlle Clairon, Mlle Dumesnil, etc., dans lesquels on trouve des renseignements précieux sur l’état de l’art à l’époque om vivaient ces grands artistes. Toutefois, je ne connais pas en ce genre de lecture plus attachante, plus utile, plus curieuse que celle des Mémoires de Fleury, mémoires qui n’on assurément pas été écrits par lui, puisque Fleury, dit-on, ne savait pas l’orthographe, mais qui ont été évidemment rédigés d’après ses papiers. On rencontre aussi quelques faits intéressants dans les Souvenirs de Mme Louise Fusil. Quant aux Variétés, qui, si j’ai bonne mémoire, sont l’œuvre de Darthenay, ils ne constituent autre chose qu’une fantaisie un peu corsée. Quelques auteurs dramatiques ont laissé des mémoires intéressants pour l’histoire du théâtre. Je ne parle pas de ceux de Collé, qui ne sont qu’un pamphlet indigne dirigé contre tous les artistes qu’il a connu ; mais ceux de Goldoni sont charmants, ceux de Marmontel très précieux, de même que les Souvenirs d’un sexagénaire, d’Arnault. Marsollier a laissé, de son côté, quelques pages sous le titre de Ma Carrière dramatique. Quelques musiciens ont aussi laissé des écrits de ce genre, mais dont l’intérêt est mince au point de vue général, et où ils ne s’occupent que de leur personne : tels sont ceux Grétry, de Blangini (recueillis par M. de Villemarest), de Berlioz, et même ceux du compositeur italien Pacini. La Correspondance de Favart est très utile à consulter pour l’histoire de la Comédie-Italienne et de l’ancien Opéra-Comique, de même que les Mémoires de Jean Monnet, restaurateur et directeur de ce dernier théâtre en 1752. Le fameux libraire théâtral Barba a publié aussi des Mémoires qui ne sont pas sans donner quelques renseignements curieux, Barba s’étant trouvé mêlé pendant trente ans aux hommes et aux choses du théâtre. Enfin, il faut signaler aussi les mémoires ou souvenirs intimes que divers écrivains ont publiés sur Sophie Arnould, sur Mlle Quinault, sur Mlle Pélissier, sur Mlle Mars ; à tout prendre, si cette lecture est un fastidieuse, on trouve à glaner par-ci, par-là, dans toutes ces publications, certains faits qu’il n’est pas inutile de connaître lorsqu’on veut se mettre sérieusement au courant de l’histoire du théâtre et des grands artistes qui l’ont illustré ; il ne s’agit que de faire la part du feu et, pour ceux de ces faits qui offrent un intérêt réel, de les contrôler soigneusement pour s’assurer de leur exactitude.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885
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